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à cornes, 122,500 chevaux, 3,620,750 moutons et 1,067,940 porcs. Les statisticiens ont noté que si, d’une part, dans les pays en progrès, la population augmente, ce qui prouve un accroissement de la prospérité générale, d’autre part, la quantité du bétail diminue, ce qui est regrettable, car il en résulte que la proportion de nourriture animale devient moindre. Si l’on considère les anciennes provinces serbes, sans les districts annexés par le traité de Berlin, qui ont 280,000 habitans, on trouve que la population s’élevait à 1,000,000 en 1859, à 1,215,576en 1866 et à 1,516,660 en 1882. L’accroissement annuel est donc d’environ 2.2 pour 100, ce qui donne une période de doublement de cinquante ans comme en Angleterre et en Prusse. En même temps, de 1859 à 1882, le nombre des bêtes à cornes tombait de 801,296 à 709,000, celui des chevaux de 139,801 à 118,500, celui des porcs de 1,772,011, à 958,440. Il n’y a que le chiffre des moutons qui augmente un peu : de 2,385,458 à 2,832,500. Ceci semble le résultat habituel de ce que l’on appelle les progrès de la civilisation. A mesure que la population s’accroît, elle doit de plus en plus se contenter d’une nourriture végétale. D’après Tacite, le Germain se nourrissait surtout de viande et de laitage, tandis que l’Allemand et le Flamand, dans les campagnes, ne mangent guère que des pommes de terre et du pain de seigle. Maintenant encore, le rapport entre le chiffre du bétail et celui de la population est beaucoup plus satisfaisant ici que dans nos pays occidentaux, car en réduisant le nombre des animaux domestiques en têtes de gros bétail, on arrive au total d’environ 1,400,000 pour 1,516,660 habitans, ce qui fait presque une tête par habitant. C’est à peu près la même proportion qu’en Bosnie-Herzégovine, qui, avec 2 millions d’hectares en plus, n’a que 1,158,453 habitans au lieu de 1,820,000. Il faut aller dans les pays nouvellement occupés, comme l’Australie et les États-Unis, pour trouver une proportion aussi favorable. On peut en conclure que les Serbes mangent généralement de la viande à l’un de leurs repas, quand ils ne sont pas obligés de faire maigre, ce qui leur arrive plus de cent cinquante jours par an. Alors ils se contentent de maïs et de fèves.

Le porc a été pour la Serbie ce que le hareng a été pour la Hollande, la principale source de la richesse commerciale et la cause de son affranchissement. Les héros de la guerre de l’indépendance, les gueux de mer qui, au XVIe siècle, ont dispersé les flottes de Philippe II, étaient des pêcheurs de harengs, et ici Miloch et ses compagnons étaient des éleveurs et des marchands de porcs. D’innombrables troupeaux de ces animaux, presque à l’état sauvage, s’engraissaient de glands dans les vastes forêts de la région centrale, la Schoumadia. Ils étaient amenés par bandes vers la Save et le Danube