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inconnu autrefois, grâce aux zadrugas, ou communautés de famille, qui, comme nous l’avons vu, subsistaient sur un fonds inaliénable, héritage en mainmorte, et ensuite grâce à une loi ancienne qui interdit la vente, même au profit des créanciers, de la maison, de cinq arpens de terre (environ deux hectares et demi), du cheval, du bœuf et des outils aratoires nécessaires pour les cultiver. Dans les campagnes, on ne trouve guère d’ouvriers, et, semblable en cela au Yankee, aucun Serbe ne consent à être domestique ; même les cuisinières et les servantes viennent de la Croatie, de la Hongrie et de l’Autriche. Quand un cultivateur, avec l’aide de sa famille, ne peut suffire à couper ses foins ou ses blés, il s’adresse à ses voisins, qui viennent lui donner un coup de main, et la rentrée de la récolte est une occasion de fête. Cela s’appelle la moba. Point de salaire ; service pour service, à charge de revanche. N’est-ce pas l’âge d’or? Malheureusement, ces fiers Serbes, qui, avant le récent désarmement, marchaient toujours armés, sont de très médiocres cultivateurs. Leur grossière charrue, toute en bois, avec un petit bout de soc en fer, traînée par quatre bœufs, déchire le sol, mais ne le retourne pas. Au maïs succède le froment ou le seigle, puis suit une jachère de plusieurs années. C’est à peine si le tiers de la superficie est en culture. La statistique de 1869, la dernière qui ait été publiée, ne donnait, pour 360,000 « têtes de contribuables, » et pour mettre en mouvement 79,517 charrues grandes et petites, ralitzas, que 13,680 chevaux de trait et 307,516 bœufs. C’est déplorablement insuffisant. Cependant, comme la population est peu dense, 1,820,000 habitans sur 4,900, 000 hectares, ou deux hectares et demi par tête, il s’ensuit que les vivres ne manquent pas et qu’on peut en exporter. La statistique nous apprend, en effet, qu’en moyenne la Serbie vend à l’étranger pour 30 millions de francs de bétail et de produits animaux, et pour 8 à 10 millions de fruits, grains et vins.

Voici quelques chiffres indiquant comment la superficie est employée et quelle est la richesse agricole du pays. La moitié du territoire, soit 2,400,000 hectares, est occupée par les montagnes et les forêts; 800,000 hectares sont enterres cultivées et 430,000 hectares en prairies ; le surplus est vague. Sur les terres labourables le maïs prend 470,000 hectares, le seigle, le froment et les autres grains 300,000 hectares ; le reste est consacré aux vignes, aux pommes de terre, au tabac, au chanvre, etc. Le maïs est ici, comme dans tout l’Orient, le produit principal. On estime que la récolte moyenne donne pour le maïs 448,327 tonnes, 250,000 pour le froment, 32,000 pour l’avoine et 80,000 pour les autres grains. La richesse en bétail est représentée par les chiffres suivans : 826,550 bêtes