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douanes et les finances est du ressort du parlement central transleithanien. A la tête de l’administration se trouve le ban, ou gouverneur général, nommé par l’empereur, sur la proposition du ministère hongrois. Le ban désigne les chefs des départemens et les hauts fonctionnaires. Il rend compte à la diète, qui a un droit absolu de contrôle et de discussion. Seulement il n’y a pas ici de régime représentatif, en ce sens que la majorité de la diète ne peut renverser ni le ban ni les ministres.

Quels ont été les résultats de ce compromis? Il paraît que tout au moins une partie des griefs énumérés plus haut sont fondés. Le développement matériel a été beaucoup moins encouragé en Croatie qu’en Hongrie. En Hongrie, de nombreux chemins de fer ont favorisé le perfectionnement de l’agriculture et la hausse des prix. Le pays s’est donc trouvé en mesure de faire face à l’accroissement des impôts. En Croatie, les prix sont restés bas, et la culture, moins stimulée par les demandes de l’exportation, a fait moins de progrès. Le poids des taxes y est donc beaucoup plus difficile à porter. En outre, il est hors de doute que le gouvernement central de Pesth vise à fortifier son autorité en Croatie. On ne peut s’en étonner. Le système des deux Ausgleichs a créé un régime d’un maniement si compliqué et si difficile qu’il doit paraître intolérable à une administration qui veut se mouvoir à la façon des états modernes. La Croatie fait partie des pays de la couronne de Saint-Etienne. Dès lors, il semble que les résolutions prises au centre ne devraient pas venir se heurter contre le liberum veto de l’autonomie croate. Cela n’a pas lieu dans un état fédéral comme la Suisse ou les États-Unis. Mais d’abord, l’Autriche-Hongrie n’est pas en réalité un état fédéral, et, en second lieu, dans une fédération, la compétence des pouvoirs cantonaux et celle du pouvoir fédéral étant très nettement délimitées, les tiraillemens et les conflits, si fréquens ici, sont évités. Il faudrait donc tâcher de se rapprocher d’une organisation semblable à celle qui fonctionne aux États-Unis, à la satisfaction générale.

Le règlement de la représentation et de la participation de la Croatie aux dépenses communes donne lieu à des difficultés spéciales. La Croatie, qui, en 1867, n’avait pas voulu envoyer de délégués au couronnement de l’empereur à Pesth, avait plus tard consenti à se faire représenter au sein de la diète hongroise par deux membres à la chambre haute, et vingt-neuf à la chambre basse ; quand les Confins militaires furent incorporés dans la Croatie, elle aurait dû avoir cinquante-quatre représentans. On fit en sorte qu’elle se contentât de quarante ; grave injustice, prétendent les patriotes. Autre grief: la part contributive de la Croatie aux dépenses