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de leurs créations et à démontrer que leur exemple est peut-être bon à suivre.


V.

Le champ est vaste, toutes les parties s’en offrent au plus diligent ; les progrès réalisés ne sont rien auprès de ce qui reste à faire : le terrain en culture est peu de chose auprès des vastes plaines incultes qui l’environnent.

Il y a quelque quatre ans à peine, l’accès des parties extrêmes de la plaine était interdit à la civilisation, arrêtée par l’inconnu du désert plus encore que par les résistances séculaires des tribus indiennes. Une campagne de quelques mois, rigoureusement menée, a montré l’inanité des terreurs que les invasions entretenaient depuis des siècles et que la stratégie protectrice des chefs de frontière de la vieille école perpétuait. L’Indien, aujourd’hui vaincu, dispersé, anéanti, n’existe plus qu’à l’état de souvenir ; il sera dans quelques années une curiosité anthropologique ; le domaine qu’il a par force abandonné est, dans toutes ses parties, étudié, divisé déjà par des arpenteurs; une ligne de chemin de fer le borde, d’autres sont concédées déjà; la population seule y manque encore, mais l’exode du pasteur vers ces terres nouvelles est déjà commencé. Cette région profitera des progrès acquis dans les autres de la république et de l’impulsion que lui donneront les capitaux constitués par les propriétaires du littoral.

A quel prix les étrangers, dont l’arrivée est constante, peuvent-ils se procurer la terre que tous convoitent ? Comment peuvent-ils la posséder, l’acquérir et la transmettre? Ce sont les questions que se pose naturellement quiconque se préoccupe de la concurrence productrice des pays neufs ; cette étude serait incomplète si nous les laissions sans réponse.

Disons tout de suite, pour écarter des comparaisons avec les usages de la république des États-Unis, qu’ici, bien que les terres publiques appartenant à l’état soient vastes et fertiles, aucune loi ne régit encore leur aliénation, aucun système scientifique n’a été essayé dans leur répartition : il n’y a pas de bureau ouvert où l’immigrant puisse échanger sa nationalité d’origine et la liberté de se déplacer contre quelques acres de terre qu’il paiera à tempérament 1 dollar l’acre, comme cela se passe aux États-Unis. La loi argentine, qui a imité sa sœur du Nord en bien des points, n’a jamais tenté de mettre en pratique ce système essayé déjà et dont les résultats ont été féconds depuis un demi-siècle, malgré le poids énorme des charges que cette loi du homestead imposait, en ajoutant au