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LA
CULTURE DES CEREALES
DANS LES PAMPAS DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE

Il y a quelque vingt ans, des navires à voiles, retour de Californie, jetaient de temps à autre, sur le quai des ports français, de petits chargemens de blé. C’étaient les premiers envois des aventuriers de 1849, partis à la recherche de l’or et devenus colons. On n’y prit pas garde. Le pays des pépites, pensait-on, était assez riche pour promener ses blés autour du monde, sans y trouver d’autre profit qu’une satisfaction d’amour-propre ; c’était par forfanterie américaine qu’il faisait descendre à ses voiliers l’Océan-Pacifique depuis le 38° latitude nord jusqu’au 58° sud, doubler le cap Horn, et refaire dans l’Océan-Atlantique la même traversée pour atteindre après six mois, quelquefois un an, les ports européens. Ces coûteuses expéditions ne pouvaient avoir aucune influence sur la production française, habituée à compter avec la concurrence d’Odessa et d’Egypte ; elles étonnaient sans inquiéter.

Déjà d’autres régions du continent américain, celles qui, par le Mississipi et le Saint-Laurent, étaient en communication directe avec l’Atlantique, importaient des blés en Europe, depuis 1602, d’une façon irrégulière et, depuis 1791, annuellement; la France n’avait jamais eu à se préoccuper de cette concurrence lointaine, qui ne l’atteignait pas chez elle et à peine sur les marchés ouverts à son exportation Des 30 millions d’hectolitres que l’Angleterre demandait chaque année aux pays étrangers, la France en fournissait