Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/830

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE
GÉNÉRAL GRANT


I.

Dans l’été de 1630, au plus fort de la persécution dirigée en Angleterre contre les dissidens, un navire chargé d’émigrans, le Marie-et-Jean, aborda à Dorchester, dans la colonie naissante de Massachusetts. Au nombre de ceux qui venaient chercher dans le Nouveau-Monde la sécurité et la liberté religieuse, se trouvait un Mathieu Grant. Cet émigrant appartenait-il à l’ancienne et innombrable famille des Grant, dont les diverses branches ont peuplé tout un comté d’Ecosse, ou n’y avait-il là qu’une similitude de nom, dont la vanité nobiliaire, plus répandue qu’on ne le pense au sein de la république américaine, s’est emparée? Une seule chose est certaine, c’est que les Grant d’Amérique se sont toujours attribué une origine écossaise et que leurs opinions religieuses venaient à l’appui de cette prétention.

Puritain rigide, Mathieu Grant ne tarda pas à quitter le Massachusetts pour la colonie nouvelle que ses coreligionnaires venaient de fonder dans la baie de Connecticut. Ce fut là qu’il s’établit définitivement, et que ses descendans directs résidèrent pendant six générations. Au début de la guerre de l’indépendance, un des premiers colons qui coururent aux armes pour venger le massacre de leurs concitoyens à Lexington fut Noé Grant, du Connecticut, qui servit bravement sous Washington et conquit le grade de capitaine... Après la guerre, il quitta le Connecticut pour s’établir en Pensylvanie : son fils Jessé Grant, obéissant à cette impulsion mystérieuse qui pousse les Américains vers l’ouest, abandonna à son tour la Pensylvanie pour l’Ohio, qui venait à peine d’être élevé au rang