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Quand ces communications arrivèrent à Paris, Louis XVIII et le duc d’Angoulême, accompagnés du fidèle d’Avaray, avaient déjà quitté Mitau et s’étaient embarqués, le 3 septembre, à Liébau, sur la Troja, qui les y attendait. Ils ignoraient que, depuis quinze jours, la place de Stralsund était au pouvoir des Français. Comme lorsque quatre ans avant ils avaient fait cette même traversée pour se rendre à Calmar, une violente tempête régnait sur la Baltique. Elle obligea la Troja à louvoyer pendant deux semaines. Vainement, le capitaine essayait d’aborder dans la presqu’île de Rugen, à la pointe de laquelle est situé Stralsund. Il dut y renoncer, et ce fut heureux, car, s’il y eût réussi, c’est par l’armée française que le prétendant eût été reçu.

Le 16 septembre, le navire put se réfugier à Carlscrone. En entrant dans ce port, Louis XVIII apprit la chute de Stralsund et l’obligation où s’était trouvé Gustave IV de repasser la mer. Ce prince venait d’arriver à Carlscrone fugitif, malade, découragé par l’échec de ses téméraires projets et la perte de la Poméranie suédoise. Le roi proscrit et le roi vaincu se rencontraient ainsi dans des circonstances douloureuses. Dès les premiers mots qu’ils échangèrent, ils durent s’avouer que les plans qui les avaient rapprochés n’étaient plus réalisables. Il fut même aisé à Louis XVIII de comprendre, en dépit des honneurs qui lui étaient rendus, que son hôte trouvait dangereuse sa présence à Carlscrone. Il exprima alors l’intention de se rendre en Angleterre pour obéir aux pressantes sollicitations de quelques-uns de ses serviteurs en état de lui rendre un compte exact de ses affaires et qui ne pouvaient venir le trouver en Suède. Gustave IV s’empressa d’approuver ce dessein. Il offrit même au comte de Lille de laisser encore la Troja à sa disposition. Le prétendant se trouvait à Carlscrone depuis quelques heures à peine, que son départ pour la Grande-Bretagne était déjà décidé. La frégate devait le prendre à Gothenbourg pour le transporter à Gosfield.

« Je vais donc entreprendre cette nouvelle course, écrivait-il au tsar, sans savoir ce qui peut précisément en résulter, puisque mes affaires sont, à bien des égards, à la disposition du gouvernement anglais, qui, jusqu’à cette époque, tout en manifestant de bonnes intentions, a presque toujours employé et soldé des gens auxquels je n’accordais aucune confiance, et ainsi, faute d’avoir voulu s’entendre directement avec moi, prolongé bien plutôt que hâté le terme des communs malheurs... Maintenant, mon seul regret est de voir différer l’instant de mon retour. Les gages que moi et mon neveu laissons en Courlande sont un sûr garant de mon empressement à revenir partager avec les miens l’amitié et les bienfaits de Votre