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sera le fruit d’une délibération et que, par conséquent, il s’agit de capter par tous les moyens possibles la volonté de la nation ; la seconde, c’est que le roi de France est un pauvre homme qui a besoin de tout le monde et dont personne n’a besoin. C’est tout le contraire. Aucune révolution politique bonne ou mauvaise ne résulte d’une délibération. Le peuple français n’a rien voulu de ce qui s’est fait, depuis « la nation, la loi et le roi » jusqu’au capitaine-empereur; il en sera de même du changement que nous attendons. Tout se fera par la force des choses, et la guerre ne doit servir qu’à donner le mouvement. Quant au roi de France, il est, dans l’état même où il se trouve actuellement, au rang de tout ce qu’il y a de plus grand et de plus imposant dans l’univers. Je ne suis pas suspect en le disant, puisque je ne suis pas son sujet, mais j’affirme sans balancer que les puissances qui le soutiennent ont autant besoin de lui qu’il a besoin d’elles. L’Europe n’est ébranlée et ensanglantée depuis quinze ans que parce qu’il n’est pas à sa place... Au lieu donc de parler aux Français de la bonté qu’ils auront de rappeler leur roi, il serait plus royal et même plus philosophe de les entretenir du service inestimable qu’il leur rendra en revenant à sa place. »

Le roi, de son côté, écrivait au tsar : « En 1792, on tenta de s’appuyer de l’opinion; mais ce levier puissant, même alors, fut aussitôt abandonné que mis en jeu. En 1793, je représentai inutilement à l’empereur François II que s’il prenait Valenciennes et Condé au nom du roi, mon neveu, s’il mettait en avant le dépositaire de l’autorité royale, il aurait pour alliés tout ce qu’il y aurait de bons Français, tandis que s’il prenait ces places en son propre nom, il aurait pour ennemi l’universalité des habitans de la France. En 1795, je recommençai mes efforts avec aussi peu de succès. En 1796, la même politique annula l’effet de ma présence sur les bords du Rhin. En 1799, je demandai vivement à Paul Ier de paraître aux premiers rangs de son armée. Enchaîné par des traités, ce prince ne put suivre sa propre impulsion. Ainsi, jamais on n’opposa le droit au crime, le successeur de trente rois à des tyrans éphémères, la légitimité à la révolution. Aujourd’hui, la circonstance est peut-être plus favorable que jamais. Et qu’on ne s’en laisse pas imposer par l’idée de l’éloignement de la France où commenceraient les hostilités. Partout où le roi et les siens seront offerts en personne aux étendards de la rébellion, là sera la frontière. Les armées sont plus attaquables avec ma déclaration appuyée de la garantie imposante de l’empereur Alexandre que les places ne le sont par le canon et la valeur éprouvée des soldats. Le temps est passé où l’on pouvait craindre de faire la guerre à des abstractions... Enfin, pour dire toute ma pensée, on a trop combattu les