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Bonaparte était considérée par eux comme un moyen efficace de servir leur cause. Ils en arrêtèrent de concert les grandes lignes. Louis XVIII s’en réserva la rédaction. Afin d’épargner à Gustave IV le ressentiment de l’empereur des Français, il décida, conformément à sa promesse, que ce document ne contiendrait aucune indication pouvant révéler en quel lieu il avait été préparé et écrit.

Les princes s’étaient flattés de l’espoir de recevoir la visite du roi de Suède. Ils durent bientôt y renoncer. Gustave IV leur envoya le maréchal de Fersen, l’ancien ami de Louis XVI, dont l’attachement aux Bourbons ne s’était jamais démenti. Le comte de Saint-Priest, retenu à Stockholm par la santé de sa femme, eut le regret de ne pouvoir accompagner Fersen. Ce dernier porta à Louis XVIII les assurances de la sollicitude de son maître, au nom duquel il lui offrit un asile en Suède, en l’engageant à publier sans retard sa protestation. Avant de quitter Calmar, le comte de Lille voulut répondre à ces communications. Il le fit le 17 octobre. Sa lettre est curieuse; elle révèle ses dispositions et même ses résolutions.

« J’ai arrêté, de concert avec mon frère, les bases de la déclaration que je me propose de publier; il ne me reste que la rédaction et ce sera le premier objet dont je m’occuperai à mon retour. Votre Majesté semblerait penser que je dois la publier sans délai. J’espère cependant qu’elle approuvera la marche que j’ai déjà commencé à tenir à cet égard. En partant de Riga, j’ai annoncé à l’empereur l’intention où je suis d’adresser la parole à mon peuple; mais, en même temps, je lui ai déclaré que je lui ferai connaître cet acte avant sa publication. Je l’ai prié aussi, à l’exemple de son père, qui fit déposer dans les archives du sénat le contrat de mariage de mes enfans, de vouloir bien être le dépositaire de ma déclaration. Enfin, quant à mon séjour ultérieur, je m’en suis également remis aux conseils de Sa Majesté impériale. Je n’ai point encore reçu la réponse de Sa Majesté impériale. Je désirerais la recevoir ici. Mais la saison avancée ne me permet pas d’y prolonger davantage mon séjour, et j’ai été obligé de fixer mon départ au commencement de la semaine prochaine. Quant à la date que portera ma déclaration, j’ai promis à Votre Majesté, et j’y serai fidèle, que rien ne porterait celle de ses états. Votre Majesté pense qu’il suffirait qu’elle ne portât celle d’aucun lieu. Mais, qu’elle me permette de le lui dire, tout le monde saura l’instant de mon arrivée et celui de mon départ de Suède. Je craindrais de la compromettre encore et ce sera du sein même de la mer que je la daterai[1]. J’aurai ainsi un lieu positif

  1. Le roi changea ultérieurement d’avis, et sa déclaration, rédigée à Blankenfeld, parut avec une date, mais sans indication pouvant révéler où et quand elle avait été écrite.