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que Blacas, envoyé à Riga, eût réussi à trouver un bâtiment pour les transporter à Calmar. Cette attente les conduisit jusqu’au 12 septembre. Le départ de Louis XVIII eut lieu ce jour-là. Ne voulant par exposer le vieux cardinal de Montmorency et le chétif d’Avaray aux fatigues d’un voyage par mer, il les laissa à Blankenfeld, où il devait les reprendre à son retour[1].

Le lendemain, il était à Riga. Il y trouva des nouvelles de son frère, mais non telles qu’il les souhaitait. Le comte d’Artois exprimait la crainte de ne pouvoir se rendre à Calmar et d’être obligé d’y envoyer à sa place le prince de Condé. Louis XVIII se décida néanmoins à continuer son voyage. Le 14 septembre, avant de monter à bord du navire marchand qui devait le conduire en Suède, il écrivit à l’empereur de Russie et au roi de Prusse pour leur annoncer son départ, toujours soucieux de ne pas perdre les bonnes grâces des deux souverains et de se ménager un asile dans les états de l’un ou dans les états de l’autre. Le même jour, le navire mit à la voile et prit la mer par le plus affreux temps.

A Calmar, Louis XVIII était attendu. Gustave IV, quelles que fussent les difficultés de sa situation, n’avait pas voulu se dérober aux devoirs de l’hospitalité. Attaché aux Bourbons comme son père, il s’était employé déjà pour leur cause. L’année précédente, il avait même tenté d’ameuter l’Allemagne contre le gouvernement consulaire. L’avortement de cette tentative l’avait contraint, bien qu’il fût en brouille ouverte avec la France, à s’enfermer dans une apparente neutralité. A l’exemple de la Russie, il avait refusé de mettre au service de Louis XVIII un bâtiment de sa marine, il avait exigé que la protestation que voulait élever ce prince ne fût pas datée du royaume de Suède. Mais, ces réserves faites, il avait envoyé des ordres au général d’Anckarsward, gouverneur de Calmar, à l’effet de préparer au proscrit un accueil digne de son rang et de son infortune.

Dans la matinée du 24 septembre, le général d’Anckarsward fut averti qu’un bâtiment portant deux princes français, poussé par la tempête sur l’île d’OEland, les y avait débarqués. L’île d’OEland n’est séparée de Calmar que par une courte distance. Le général s’embarqua aussitôt pour rejoindre les princes. Mais la violence du

  1. Par les soins de d’Avaray, une note fut communiquée aux gazettes allemandes : « M. le comte de Lille a quitté l’asile noble et touchant qu’il a reçu en Courlande chez le baron de Konigsfels et s’est rendu à Riga, le 12 septembre, accompagné de M. le duc d’Angoulême, de son capitaine des gardes et de son premier gentilhomme de la chambre. M. le comte de Lille a mis sur-le-champ à la voile pour se rendre à Stockholm et reprendre ultérieurement et sans retard la direction déterminée de concert avec les puissances du Nord. »