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Du fond de sa retraite, le roi proscrit, loin de se désintéresser des événemens qui se succédaient sur le continent, continuait à les suivre avec sollicitude. Au commencement de 1804, alors que, depuis plus de trois ans, il vivait à Varsovie, l’état de l’Europe s’aggravait. L’ambition de Bonaparte, la persistance de ses vues sur l’Angleterre, sa prétention d’asservir le monde à ses desseins, préparaient une nouvelle coalition et de nouvelles guerres. Les cordiales relations nouées entre la Russie et la France, en 1801, avaient changé de caractère. Le premier consul accusait Alexandre de partialité au profit de la Grande-Bretagne. La protection accordée par ce souverain à des émigrés tels que le comte d’Antraigues ou le chevalier de Vernègues, l’irritait au plus haut degré. Entre Paris et Saint-Pétersbourg, c’étaient tous les jours des difficultés nouvelles, tandis que l’Autriche et la Prusse, en proie aux plus vives perplexités, évitaient encore de prendre parti dans le conflit qui se préparait. Dans ces divisions latentes Louis XVIII puisait des espérances et des audaces ; après des découragemens passagers, il croyait maintenant à la possibilité de recouvrer sa couronne. Mais, éloigné depuis longtemps des princes de sa maison, de son frère notamment, qu’il n’avait pas vu depuis huit ans, il reconnaissait la nécessité de se concerter avec eux pour étudier les avantages que pouvait tirer sa cause des dispositions des diverses cours.

De cette nécessité constatée naquit l’idée d’une réunion de famille. Mais où se tiendrait-elle? Sur le territoire prussien? Il n’y fallait pas songer, par suite des relations de la Prusse avec le gouvernement français. Restait la Suède. L’année précédente, Louis XVIII avait sollicité et obtenu de Gustave IV la promesse d’un asile dans la Poméranie suédoise. C’est ce souvenir qu’il invoqua d’abord en écrivant, le 4 mars 1804, au roi de Suède. Il exprimait ensuite le regret de n’avoir pas trouvé un prétexte suffisant pour quitter Varsovie. Enfin, il ajoutait : « Je me crois au moment d’y réussir. Ce prétexte, ce motif sera le désir, la nécessité même de revoir mon frère, que les circonstances tiennent éloigné de moi depuis plusieurs années, de lui mener ses enfans, qu’il n’a pas vus depuis leur mariage, et de lui épargner une partie du chemin. Armé de ces raisons, je compte, à moins d’obstacles dont je ne serai pas le maître, me mettre en chemin vers le 1er mai prochain. J’annoncerai, à la vérité, mon retour ; mais Votre Majesté, qui n’a fixé pour terme de mon séjour dans ses états que le moment où j’aurais la volonté d’en sortir, pense bien que cette volonté ne me viendra pas aisément et que je tiendrai ce langage uniquement par égard pour le souverain qui me tolère ici depuis trois ans. Je supplie donc Votre Majesté de renouveler, s’il en est besoin,