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Deux-Siciles, qu’il pouvait faire parvenir ses demandes et plaider sa cause.

La correspondance, en cette année 1801, n’est guère défrayée que par les questions d’argent. La misère chaque jour s’accuse et s’aggrave. Privé des secours de la Russie, le roi en est réduit aux 200,000 francs de l’Espagne et aux 20,000 florins que reçoit de la cour d’Autriche, comme héritière de Marie-Antoinette, la duchesse d’Angoulême. Ces fonds arrivent irrégulièrement, à travers d’innombrables difficultés. Ils ne suffisent pas aux dépenses de la maison royale, composée de soixante personnes, dépenses qui dépassent 400,000 francs. L’habileté de Thauvenay, appelé provisoirement à Varsovie pour remplacer d’Avaray, malade en Italie, ne parvient pas à les diminuer. C’est donc la misère, une misère que rendent plus cruelle les demandes incessantes adressées au roi par ses partisans et les réclamations de ses créanciers, dont les exigences se sont déchaînées depuis qu’il habite Varsovie[1]. Sous toutes les formes, la détresse éclate. Quelques-uns des gentilshommes retenus auprès du roi cherchent à se procurer, par divers procédés, les ressources qui leur manquent. Ils entreprennent des opérations commerciales, achètent très cher et à crédit des marchandises qu’ils revendent à vil prix, mais au comptant, lis jouent, spéculent, compromettent leur nom et leur honneur dans des entreprises véreuses[2].

L’obligation d’arracher à cette noire misère sa famille et les courtisans de son exil ne permettait pas à Louis XVIII de garder longtemps le silence. Après la mort de Paul Ier, il avait écrit à son héritier pour lui adresser les complimens d’usage et l’entretenir de ses intérêts politiques. C’est encore vers lui qu’il se tourna pour la solution de ses intérêts pécuniaires. Il chargea le duc de Serra Capriola de les exposer et de les défendre. Le diplomate napolitain en entretint un des ministres russes, le comte Panin. Celui-ci prit les ordres du tsar et parvint à réveiller la vieille bienveillance de la maison de Russie pour les Bourbons. Le traitement annuel que recevait jadis le roi de France fut rétabli à partir du jour où il

  1. Il fallut un ordre formel du roi de Prusse pour mettre un terme aux poursuites dont Louis XVIII était l’objet.
  2. Le jeune duc de Fleury, notamment, se mit dans la situation la plus difficile et encourut la colère du roi, qui, cependant, attachait grand prix à son dévoûment et à ses services. Couvert de dettes criardes imprudemment contractées, il se vit au moment d’être déféré à la justice. Il avait fait des billets et engagé sa parole. D’Avaray, de Gramont et de Piennes offrirent 3,000 ducats pour lui sauver l’honneur et la liberté. Ils lui épargnèrent une première crise Mais il ne put tenir des engagemens ultérieurs. Le roi et la reine ne voulurent plus le voir. Ils lui firent dire d’aller attendre leurs ordres à Munster auprès du cardinal de Montmorency. Il refusa d’obéir et tomba en disgrâce. Le roi finit cependant par lui pardonner et lui rendit sa faveur en 1814.