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qui était survenu dans ses inclinations. Au sujet d’une réimpression de la Deutsche Schaubühne : « J’ai toujours jugé ma Banise, écrit-il, indigne de figurer dans cette collection. Le ciel n’a évidemment pas voulu que je devinsse un poète, quelque amour et quelque respect que j’aie pour la poésie. D’un côté, la conscience du manque de talent naturel ; d’autre part, ma position, ont été cause que j’ai renoncé à la poésie, ou plutôt à la versification, presque dès le début de mes études universitaires. C’est à la bienveillance qui vous porte à encourager les essais des jeunes gens que ma Banise doit d’avoir été admise dans votre recueil, mais comme il ne peut plus être question de me donner des encouragemens, et puisque j’ai renoncé entièrement aux occupations de ce genre, vous avez parfaitement le droit d’omettre ma pièce dans une nouvelle édition et de la remplacer par une meilleure. »

Parmi les occupations qui avaient succédé, pour Grimm, aux tentatives poétiques, il en était de fort sérieuses, témoin une dissertation latine qu’il publia, en 1747, en l’honneur de Gottlob Schœnberg qui venait de terminer ses études à Leipzig. C’est un vieil usage académique, en Allemagne, que de célébrer un souvenir ou d’honorer un personnage par la publication d’un mémoire scientifique et, bien entendu, in-quarto et en latin. Grimm avait pris pour sujet les changemens apportés au droit public impérial sous le règne de Maximilien Ier. Dans ce travail approfondi, détaillé, il passait en revue toutes les modifications que la constitution germanique avait subies pendant la période désignée. En somme, une étude historique et juridique tout à fait recommandable pour un jeune homme de vingt-trois ans.

Les passe-temps de Grimm n’étaient pourtant pas tous aussi graves. Sa vocation littéraire, en se transformant, s’était portée vers la critique et vers la France. Il écrit, dans un journal de Ratisbonne, un article sur les poésies d’Ulrich von Kœnig ; il est à l’affût des Nouvelles littéraires de Raynal, lit nos auteurs et, selon toute apparence, se prépare déjà à aller à Paris. On parlait certainement le français dans la famille Schœnberg, comme on le faisait alors dans toute la société polie de l’Allemagne ; Grimm l’y avait appris, et il en savait déjà assez pour se croire en état de l’écrire. Ayant rencontré le Mémoire sur la satire de Voltaire, il eut un moment l’idée de le faire réimprimer avec une introduction française de sa façon.

L’événement qui devait décider de la direction de toute sa vie arriva enfin. C’est dans les derniers jours de 1748, ou au commencement de l’année suivante que Grimm partit pour la France. On ne sait pas positivement pour quel motif, mais on peut supposer