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pour l’histoire et la littérature de notre pays. Les lettres de Catherine, qui ont paru en 1878, remplissent tout un volume de la collection ; Grimm avait religieusement conservé ces lettres, il était parvenu à les faire sortir de France en 1791, et il avait pris des mesures pour qu’elles fussent renvoyées à Pétersbourg après sa mort. Il ne paraît pas que Catherine eût mis tout à fait le même soin à conserver les réponses de Grimm. Le fascicule qu’en donna la Société d’histoire russe en 1880 ne renfermait que les débris d’une correspondance qui avait duré vingt ans, mais une heureuse trouvaille dans un château de Pologne a dernièrement doublé cette collection, et les éditeurs, au lieu de faire de ces lettres un supplément au volume déjà imprimé, ont jugé avec raison qu’il valait mieux les fondre dans une réimpression complète. M. Jacques Grot, qui s’est chargé de cette nouvelle tâche comme il s’était chargé de la première, touche aujourd’hui au terme d’un travail auquel il a apporté autant de compétence que de zèle. C’est lui qui a bien voulu obtenir pour moi de la Société d’histoire russe la communication des bonnes feuilles de la publication dont il s’agit ; je le prie de recevoir, ainsi que ses collègues, l’expression de ma reconnaissance pour cet acte de confraternité littéraire. Je n’ai pas été moins sensible aux services que m’ont rendus M. Wilhelm Creizenach, aujourd’hui professeur à l’université de Cracovie, en me fournissant divers éclaircissemens, et M. Walther, de Darmstadt, en faisant copier pour moi les lettres de Grimm qui sont conservées dans les archives grand-ducales de cette ville.

Après tout, le vrai titre de Grimm à notre attention, ce n’est ni ses relations avec Catherine, ni sa liaison avec Mme d’Épinay, ni sa brouille avec Rousseau ; tout cela exciterait évidemment moins d’intérêt si Grimm n’était l’auteur de la Correspondance littéraire dont M. Maurice Tourneux vient de nous donner une meilleure édition. Parmi les documens dont la récente publication semble appeler une nouvelle étude sur l’écrivain qui va nous occuper, les volumes de M. Tourneux prennent le premier rang.

La Correspondance littéraire de Grimm était restée secrète pendant tout le temps qu’elle dura. On a même lieu de s’étonner que le mystère ait été si bien respecté, car il n’est pas un passage, dans les écrits contemporains, qui trahisse la connaissance du travail si assidu, cependant, si absorbant, auquel se livraient l’auteur et ses secrétaires. L’existence du journal manuscrit ne fut guère révélée que par la publication qui en fut faite en 1812 et 1813. La copie qui servit à cette impression avait été trouvée, dit-on, en 1806, à Berlin, lors de l’occupation française. L’ouvrage, malgré les mutilations qu’il avait subies du fait, soit des éditeurs,