cées, au moins officiellement et diplomatiquement, dans des conditions assez différentes où elles ont vécu depuis quelques années, tant bien que mal, à l’abri du traité de Berlin. C’est précisément ce qui vient d’être détruit par la révolution nouvelle qui s : est accomplie il y a peu de jours, qui a été, à vrai dire, l’affaire de quelques heures. Tout s’est passé sans combat et sans effusion de sang. Le signal du mouvement a été donné dans la capitale de la Roumélie, à Philippopoli. Le gouverneur turc, Gavril-Pacha, qui revenait de Constantinople, a été arrêté, emprisonné et expédié sous bonne escorte à Sofia. Un comité provisoire s’est formé, l’union de la Roumélie et de la Bulgarie a été décrétée, et une députation rouméliote est partie pour aller offrir la couronne au prince Alexandre de Battenberg, qui n’a point hésité à l’accepter, qui s’est rendu aussitôt à Philippopoli pour prendre le gouvernement des deux provinces en se proclamant prince de la Bulgarie du nord et de la Bulgarie du sud. Le coup de théâtre a été complet. Ce n’est rien de plus, rien de moins que la substitution de la grande Bulgarie du traité de San-Stefano à l’œuvre du congrès de Berlin.
Comment donc s’explique cette révolution soudaine qui a surpris ou a paru surprendre l’Europe ? La rapidité même avec laquelle elle s’est trouvée accomplie prouve bien qu’elle n’a pas été improvisée. Sans doute, jusqu’à un certain point, d’une manière générale, elle peut être la conséquence d’une situation trop factice pour être durable ; elle peut ressembler à une revanche de l’esprit de race et de nationalité contre une fiction arbitraire de diplomatie ; mais ce qu’il y a de plus évident encore, c’est que cette révolution de la vallée de la Maritza était nécessairement préparée depuis quelque temps par tout un travail secret, par des connivences entre Philippopoli et Sofia, entre les chefs rouméliotes et les chefs bulgares. Tout y a contribué, et l’incertitude d’une condition précaire et l’attraction inévitablement exercée sur les Roumêliotes par l’indépendance de la Bulgarie du nord, et quelques maladresses des Turcs, et la propagande panslaviste qui agite sans cesse la péninsule, et surtout l’influence russe représentée par les officiers envoyés de Saint-Pétersbourg pour former l’armée, les milices des deux provinces. Que la Russie ait jugé inopportune et prématurée la dernière révolution de Philippopoli et qu’elle ait paru même la désavouer par son langage ou par quelques-uns de ses actes, c’est possible ; c’est l’affaire de sa diplomatie ! elle n’a pas moins concouru à la préparer par ses idées, par ses encouragemens, et ce qu’elle n’a pas pu faire quelquefois ostensiblement, les comités slaves de Moscou l’ont fait pour elle depuis quelque temps avec un redoublement d’activité, en reprenant pour leur compte le programme primitif de San-Stefano. De tout cela est né ce mouvement que quelque circonstance inconnue a pu précipiter, qui n’est certainement pas sans péril, et auquel le prince Alexandre de Battenberg ne s’est peut-être associé à