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et elle voudrait trouver un remède, un soulagement, c’est encore plus certain ; elle hésite toutefois à se prononcer. Elle assiste avec un scepticisme assez apparent à cette représentation que les ambitieux et les brouillons, les agitateurs et les entrepreneurs de réformes chimériques lui donnent une fois de plus sous prétexte de la consulter. Elle va voter sans trop savoir elle-même ce qui en résultera, c’est là ce qu’il y a de plus clair. En réalité cependant, à travers les incohérences, les contradictions ou les indécisions du jour, il ne serait point assurément impossible, avec un peu de bonne volonté, de démêler dans le pays ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas, ce qu’il appelle de ses désirs et ce qu’il repousse de tous ses instincts. Il y a évidemment, quand on y regarde de près, des courans d’opinion qui se manifestent par des déplacemens de faveur publique, par un réveil de bon sens et de raison dans la masse nationale, par le dégoût sensible, croissant d’une politique qui n’a valu au pays que des déceptions. Il y a le sentiment de résistance aux agitateurs qui traitent la France en pays conquis, et, toute confuse qu’elle soit, cette lutte électorale qui va se dénouer dans quatre jours ne laisse pas d’avoir ses épisodes significatifs, ses incidens caractéristiques, ses manifestations instructives ; elle offre surtout le spectacle de ce curieux contraste, de cette opposition tranchée qui se produit entre ce qui se passe à Paris, citadelle du plus turbulent radicalisme, et ce qui se passe dans beaucoup de départemens.

Décidément, en effet, Paris tient à garder le privilège des excentricités, et si le résultat des élections devait ressembler aux préliminaires du scrutin, ce serait complet ; cette agitation par laquelle on se prépare au vote du 4 octobre est bien le plus étrange, le plus baroque spécimen d’anarchie. Candidatures sorties on ne sait d’où, listes formées au hasard, tout cela se succède, tourbillonne et est proposé le plus sérieusement du monde pour la représentation de Paris, qui ne connaît sûrement pas les noms de la plupart de ceux qu’on le convie à nommer, de tous ces mandataires privilégiés de la démocratie radicale. On n’a que le choix des candidats et des manifestes : ils sont innombrables et ils rivalisent de violence. À part la liste et le programme des conservateurs, qui ont probablement à l’heure qu’il est peu de chances de succès à Paris, ce qu’il y a de plus modéré, c’est le programme d’un groupe qui s’appelle a l’alliance républicaine, » qui s’est formé sous la présidence de M. Tolain. M. Tolain est pour le moment un des meneurs des élections parisiennes ; il a son parti qui s’appelle le parti des « radicaux de gouvernement, » — nom assez bizarre sous lequel se déguisent pour la circonstance les opportunistes. M. Tolain a sa politique ; il se propose, lui aussi, tout comme un autre, de « fonder dans ce pays la stabilité gouvernementale par la formation d’une majorité homogène, » et à cette majorité future il a préparé un programme où il a mis sûrement tout ce que des radicaux