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M. DE BISMARCK
ET
LES PROCHAINES ELECTIONS PRUSSIENNES

Avant peu, l’Angleterre et la Prusse, comme la France, seront appelées à renouveler leurs parlemens. Les électeurs français auront à décider quelle forme de gouvernement leur convient, les électeurs anglais se prononceront sur une question de ministère et de politique générale. En Prusse, quel que soit le verdict rendu par le suffrage à deux degrés, il n’y aura rien de changé ni dans les choses ni dans les hommes. La Prusse est un pays où la conduite des affaires et le sort des cabinets ne dépendent point d’une majorité qui se transforme ou se déplace. Mais quoique son omnipotence soit à l’abri de tous les hasards, M. de Bismarck ne laisse pas de s’intéresser passionnément aux batailles électorales; elles échauffent, elles émeuvent encore son vieux cœur, toujours jeune, qui a déjà dévoré tant d’émotions. Sa popularité lui est plus chère qu’il ne veut bien l’avouer, et quand les gens qui ne l’aiment pas éprouvent quelque mortification, quand un de ses adversaires politiques demeure sur le carreau, il en éprouve, a-t-il dit lui-même, « une joie d’enfant. »

Les élections se feront au mois de novembre, et les partis sont entrés en campagne. La grave et aigre Gazette de l’Allemagne du Nord a engagé les conservateurs à serrer leurs rangs, et du même coup elle a invité les nationaux-libéraux à faire cause commune avec eux ; mais ces pauvres gens qui avaient tout demandé, à qui on avait tout promis et à qui on n’a rien donné, ont perdu la foi et l’espérance, et affaiblis par les défections, ils auront beaucoup de peine à se remettre en crédit auprès du chancelier, qui n’a d’estime que pour les gros bataillons et