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rapport longuement étudié, plein de faits, plein de chiffres, et qui est un des documens les plus curieux qu’on puisse consulter sur l’histoire contemporaine du Sénégal. Il figure aux annexes du Journal officiel, dans le numéro en date du 1er juillet 1883.

La discussion eut lieu à la chambre, le 17 décembre 1883. Cette fois, on se trouvait en présence de résultats acquis, de résultats importans. 34 kilomètres de rails pouvaient être considérés comme posés; sur 46 autres kilomètres, les travaux de terrassement étaient presque terminés. L’œuvre se poursuivait paisiblement ; ni la voie ferrée, ni les lignes télégraphiques n’avaient subi aucune des attaques que semblait naguère redouter l’opposition. Si peu étendu que fût ce chemin de fer, il avait rendu déjà d’immenses services. Le colonel Borgnis-Desbordes, en 1880, avait traîné à grand’peine quatre canons sur le Niger; trois ans après, le colonel Boilève avait pu en amener aisément dix ; nos moyens militaires dans le Soudan se trouvaient donc plus que doublés. Enfin, il était insensé de marchander 3,300,000 francs, au risque de compromettre une œuvre qui, les forts compris, avait déjà coûté 16 millions, quand le matériel roulant était acheté et qu’on avait dû amener au Sénégal. près de deux mille travailleurs européens, marocains et chinois. Ces raisons ne désarmèrent pas l’opposition. M. La Vieille dit qu’il aurait peut-être voté pour le chemin de fer si on l’avait fait partir de Saint-Louis; il apprit à la chambre que les trois expéditions du Soudan nous avaient déjà coûté 2,000 hommes; que le colonel Borgnis-Desbordes avait failli éprouver un échec devant Daba; que chaque travailleur revenait à 25 francs par jour ; que jamais on ne ferait aucun commerce sur une pareille ligne. Il cita de nouveau Cervantes et conclut en déclarant et qu’il croyait faire acte de patriotisme en refusant les crédits. M. Le Provost de Launay affirma que la ligne coûterait plusieurs centaines de millions et qu’il faudrait 20,000 hommes pour <Ia protéger. La droite ne cessa de répéter en chœur : «Quel gaspillage ! » Vainement M. Faure, sous-secrétaire d’état aux colonies, et M. Leroy, rapporteur, se succédèrent à la tribune; vainement ils prouvèrent que la colonne Borgnis-Desbordes, n’ayant jamais compté plus de 700 hommes, n’avait pu en perdre 2,000. Tout fut inutile. Ceux qui, en fait des colonies, ne s’intéressaient qu’à la Guyane ou à la Cochinchine et ceux qui ne s’intéressaient à aucune colonie ; ceux qui reprochaient au chemin de fer de n’être qu’un tronçon et ceux qui lui en voulaient d’être déjà trop long ; ceux qui ne voulaient de voies ferrées que dans leur arrondissement et ceux qui n’en voulaient plus nulle part ; ceux qui pleuraient sur nos pauvres soldats obligés de tirer à la corde les chalands sur le Sénégal et ceux