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III.

Malheureusement la chambre des députés, pendant cette période, n’a pas montré le même esprit de suite et la même décision que nos officiers de l’armée sénégalaise.

Le 25 septembre 1879, l’amiral Jauréguiberry déposait un projet de loi : il avait demandé d’abord un crédit de 9 millions ; puis il avait borné sa demande à 1,300,000 francs. La commission nommée par la chambre des députés, et qui avait pour rapporteur M. Blandin, avait réduit le chiffre à 833,000 francs. Sur les instances du ministre de la marine, le crédit de 1,300,000 francs fut rétabli et voté le 13 juillet 1880 par la chambre et deux jours après par le sénat. Ce crédit se décomposait en 300,000 francs pour la création de nouveaux postes, 350,000 francs pour la formation de quatre compagnies nouvelles de tirailleurs; il devait faire face, en outre, à l’achèvement de certaines lignes télégraphiques, à l’organisation des brigades topographiques, à l’amélioration de la navigation sur le Sénégal, et même au solde des excédens sur les exercices antérieurs. Il restait fort peu, comme on le voit, pour les études relatives aux chemins de fer. Ce qui était cependant de bon augure, c’est que la chambre des députés avait voté le crédit à la majorité de 405 voix contre 7 opposans.

Le projet d’ensemble sur les lignes sénégalaises fut ensuite fragmenté en deux projets. L’un portait sur un chemin de fer de Dakar à Saint-Louis, indispensable puisque la barre du Sénégal rend le port de cette dernière ville presque inutile et que le vrai port de la région, c’est Dakar. Cette ligne avait été concédée à la compagnie des Batignolles : la part des dépenses afférentes à l’état fut votée sans trop de difficulté. Comme elle traverse, le Cayor, elle doit mettre fin pour toujours aux troubles de ce pays et décupler la production de la région. Elle a été inaugurée en juillet de cette année : elle est livrée en entier à l’exploitation sur une longueur de 260 kilomètres. De l’ancien projet d’une voie ferrée de Saint-Louis à Bammako, il ne restait qu’un tronçon : la ligne de Cayes à Bafoulabé. C’est sur ce projet qu’ont porté toutes les discussions.

Sur le rapport de M. Leroy, un crédit de 7,458,785 francs fut voté le 13 mars 1882, par la chambre, le 1er avril par le sénat. La chambre montrait encore une certaine décision, car le crédit avait été accordé par 363 voix contre 17. Cette somme ne devait pas être attribuée uniquement aux travaux du chemin de fer, mais aussi aux constructions des forts nécessaires à sa protection. Ainsi que l’amiral Jauréguiberry en avait prévenu la chambre dès juillet 1880, on ne pouvait s’attendre à ce que le devis de pareils travaux,