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Les villages de Guinina, Daba et Dio nous ont attaqués : ils seront punis. On ne sait rien sur notre compte à Saint-Louis; on nous croit perdus. Voilà neuf mois que tu nous gardes prisonniers à Nango, et le gouverneur ignore notre sort. Une colonne française est arrivée à Kita et a détruit Goubanko... C’est le commencement du châtiment des Béléris. En même temps, le gouverneur a voulu savoir ce que nous étions devenus et il a envoyé une partie de son armée à Kita... Peut-être même poussera-t-elle jusqu’au Niger... Ainsi, hâte-toi, envoie-moi le traité que tu as entre les mains et donne tout de suite les ordres pour notre départ. C’est le seul moyen d’empêcher nos affaires de s’embrouiller davantage.


Enfin, le 10 mars 1881, le traité était signé. Il était rédigé en arabe et en français, en double expédition. Dans l’article 6 du texte français, on lisait : « Le Niger est placé sous le protectorat français depuis ses sources jusqu’à Tombouctou, dans la partie qui baigne les possessions du sultan. »

Quand M. Gallieni fut de retour à Saint-Louis, on s’aperçut que le texte arabe du traité différait, sur plusieurs points essentiels, du texte français. Il n’était plus question de protectorat. Le sultan permettait aux Français de trafiquer dans ses eaux, « à moins qu’il ne leur ordonnât de s’arrêter quelque part pour des motifs dont il serait seul juge. » Le nouveau gouverneur, M. Canard, refusa d’accepter le traité. Il le remit à un envoyé d’Ahmadou, qui était venu à Ségou, en exigeant une rédaction arabe conforme au texte français. Le sultan n’a pas encore fait de réponse.

Comme le fait observer M. Gallieni, il avait été entendu avec les plénipotentiaires du sultan que la rédaction française serait considérée comme le vrai texte; en outre, la signature et le sceau d’Ahmadou se trouvent au bas de la rédaction française comme de la rédaction arabe. Celle-là l’oblige donc autant que celle-ci. On pourrait se repentir de n’avoir pas lié le sultan par une acceptation formelle, tout en faisant les réserves indispensables. Les Anglais ne sont pas si méticuleux que nous, et ils se contentent de textes beaucoup moins en règle que celui-là pour étendre la main sur de grands pays.

M. Brière de l’Isle était encore gouverneur du Sénégal quand un premier crédit de 1,300,000 francs, voté par les chambres en vue de l’exploration du pays entre Médine et le Niger, avait permis d’organiser l’expédition Borgnis-Desbordes. La flottille qui la portait partit de Saint-Louis dans les derniers jours d’octobre et les premiers jours de novembre 1880. La colonne se composait de 410 non-combattans (ouvriers indigènes, muletiers, serviteurs, etc.), de