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instruit là où la faute a été commise ; que chaque évêque a son troupeau, qu’il doit gouverner seul, sans avoir de compte à rendre qu’à Dieu ; en un mot, c’est lui qui est le seul juge. Mais ils sont déjà jugés ; les évêques d’Afrique ont prononcé leur condamnation, et il n’y a pas à y revenir. Et si on compte ceux qui les ont condamnés, en y comprenant les anciens et les diacres, on trouvera qu’ils sont plus nombreux à eux seuls que les dissidens qui suivent Fortunatus, mis tous ensemble. Depuis qu’ils se sont fait un évêque, leur troupeau, dit Cyprien, ne fait que diminuer, loin de grossir, et tout le monde revient à moi. S’ils veulent revenir eux-mêmes, à la bonne heure ! qu’ils viennent ; ils ne trouveront pas de portes fermées ; il y a ici un évêque dont l’indulgence est toujours prête à recevoir celui qui confesse son péché.

Mais, pour faire honte à Cornélius de toute faiblesse envers les relâchés impénitens, il demande ironiquement s’il faut que l’église cède la place au Capitole, c’est-à-dire au temple des gentils, et si les prêtres du Seigneur, écartant son autel, vont introduire dans l’assemblée d’un clergé chrétien les idoles elles-mêmes (avec ceux qui leur ont sacrifié). Et ici il ramène un nom qui suffit à faire reculer l’évêque de Rome, celui de Novatianus, intraitable en sens contraire : on ouvre un beau champ à ses déclamations si on accueille ceux qui dispensent de la pénitence les idolâtres, et cela parce qu’on a peur de leurs menaces. Pour lui, il n’a pas peur, et c’est sur ce nouvel élan de fierté qu’il termine. Si on lui annonce la guerre, il est prêt à la soutenir ; cette persécution nouvelle qui s’élève en temps de paix ne l’intimidera pas. « Nous prions ce Dieu, qu’ils ne cessent de provoquer et d’irriter, que leur emportement se calme, que leur folie tombe et fasse place à des pensées saines, que leur âme, enveloppée de ténèbres, s’ouvre à la lumière du repentir, et qu’ils demandent au pontife de répandre pour eux des prières plutôt que dépenser eux-mêmes à répandre le sang du prêtre. Mais s’ils persistent dans leur folie, s’ils s’obstinent dans leurs odieux complots et dans leurs menaces parricides, il n’y a pas un Prêtre de Dieu assez faible, assez lâche et misérable, assez abattu par l’infirmité de la pauvre nature humaine, pour ne pas tenir tête aux ennemis et aux agresseurs de Dieu même, pour ne pas se sentir rempli, tout humble qu’il est et sans force, de la vigueur et de l’énergie du Seigneur qui le protège. » Son dernier mot est pour presser Cornélius de faire lire sa lettre dans l’assemblée des fidèles, et de rompre avec ces révoltés sans hésitation et sans retour.

Il suffit du ton de cette lettre pour nous convaincre qu’elle a dû avoir un plein succès, et que la prétendue église de Félicissime et