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Les propriétaires qui se plaignent de la désagrégation des familles de métayers, doivent modifier leurs rapports avec leurs coassociés s’ils veulent les retenir sur le sol. S’imaginent-ils le faire avec l’usage persistant des baux annuels? De ce que la tacite reconduction fixe encore certaines générations sur la ferme malgré cette forme vicieuse, croient-ils pouvoir regarder comme suffisant ce moyen exceptionnel ? Quelle garantie offre-t-on à un métayer congéable à merci, sans avertissement préalable ou avec un avertissement fait subitement trois mois à l’avance? Et l’on parle d’enrôler des métayers laborieux, capables, possédant un cheptel de quelque valeur! On leur demande leur avenir et on ne leur en offre aucun. Le bail annuel est tout au plus admissible comme bail à essai. Encore vaudrait-il mieux, au lieu de ce moyen terme, contracter, une fois renseignemens pris, des baux à longue échéance, sauf à poser, en cas d’infraction, des clauses de résiliation. Quant au mode même du partage, il a été mis aussi en discussion. On s’est demandé s’il n’y aurait pas avantage à substituer le partage en argent au partage en nature. L’enquête en cite des exemples. C’est souvent sous cette forme que le partage du prix du bétail a lieu, en cas surtout de sortie du métayer. Un partage en argent présenterait de graves difficultés pour les productions végétales, en partie consommées par les gens et les animaux, il pourrait être établi plus facilement pour les grandes terres, où l’excédent de la production sur la consommation domestique est considérable. Rien dans cette forme de paiement n’est absolument contraire au principe du métayage, et il n’appartient qu’aux intéressés de décider en connaissance de cause s’il n’y a pas dans certains cas à faire une part à ce mode de partage.

La réforme des autres conditions économiques de l’exploitation par les métayers conduit à poser les questions les plus délicates et les plus graves. Nous l’avouerons : de toutes les objections qui semblaient condamner l’exploitation par métayers à une infériorité incurable, il en était une d’une importance particulière, dont nous avions à cœur de voir l’enquête et les travaux récens sur le métayage présenter une solution satisfaisante. Autrement le caractère absolu qu’on lui attribue ne laisserait à ce système d’exploitation qu’une place nécessairement très subordonnée. Le grand, le fondamental reproche fait au partage à mi-fruits, si on se place en face des exigences d’une agriculture perfectionnée, c’est défavoriser le produit brut à l’exclusion ou au détriment du produit net. Or, c’est le revenu net qui est la vraie mesure du progrès agricole. C’est du revenu net que se préoccupe un fermier riche et dont l’exploitation est garantie par un bail d’une longueur suffisante. Il songe au bénéfice réalisé en argent, toutes déductions