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et tyranniques. On a remarqué que, toutes les fois qu’ils disparaissent, lorsque les propriétaires viennent faire eux-mêmes leurs affaires, — ce qui a été le cas assez fréquent, — le métayer a été beaucoup mieux retenu au sol, où il trouvait profit à la suppression du fermier général et à des relations empreintes de plus de largeur et de bienveillance.

Ces remarques s’appliquent au personnel du métayage; il en est d’autres qui touchent les conditions économiques de l’exploitation. Nous avons vu qu’en fait l’étendue des cultures est fort inégale. Il est possible de dégager certaines règles des observations recueillies. On peut regarder comme fâcheux les cas assez nombreux où est dépassé le terme de 50 hectares. Mais il n’y a pas lieu de restreindre des métairies, même plus vastes, dans les pacages et les prairies, dans les exploitations pastorales des montagnes, ou dans de grandes plaines infertiles comme celles d’Arles et de la Sologne. Au contraire, pour les vignes et les cultures variées, il convient de se tenir assez au-dessous de ce chiffre maximum; pourtant des exploitations de 50 hectares, communes au sud de la Loire, y réussissent convenablement, tandis que celles qui sont situées au nord, bien moins développées, végètent souvent faute d’un capital suffisant et d’une convenable attention portée au domaine par le propriétaire. Dans l’ouest, une bonne moyenne se tiendrait aux environs de 25 hectares. Des expériences antérieures, faites par M. Jules Rieffel, partisan déclaré de cette moyenne normale, donnaient déjà en ce sens des résultats concluans. Cet agronome lui-même donnait l’exemple du partage en trois parties d’une métairie de 72 hectares, opération qui arrivait à quintupler le revenu en peu d’années. Mais, ce qui est surtout bien démontré, c’est que pour procéder, comme on dit, scientifiquement, il faut établir avant tout un rapport entre l’étendue du domaine exploité, d’une part, et de l’autre celle du capital et spécialement la force numérique de la famille du métayer. Le travail est le nerf de cette sorte d’exploitation comme de la petite propriété. C’est pour cela que l’affaiblissement du nombre des enfans ou leur exagération constituent un préjudice irréparable pour la culture offrant des dimensions tant soit peu vastes. A quoi servirait de déterminer abstraitement l’espace que doit avoir une métairie si la force humaine cessait de s’y proportionner, ou s’il fallait substituer la main-d’œuvre salariée et nomade à la ruche active et sédentaire? On n’éprouve pas le même embarras avec les colons partiaires qui exploitent les métairies réduites, connues sous les noms de closeries, borderies, etc., rarement riches, mais qui réussissent assez bien dans la petite culture.