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a augmenté le nombre. Il leur appartient de faire pénétrer ces résultats souvent remarquables dans des régions où la connaissance des faits arrive lentement et où la portée qu’ils peuvent avoir est difficilement saisie. On ne leur demande pas d’exalter exclusivement une forme spéciale qui ne saurait avoir toutes les vertus en tout lieu également, mais d’en parler avec une sympathie éclairée, et de mettre au besoin une arithmétique convaincante au service de la vérité devant des populations trop sujettes parfois à subir les préjugés et à suivre des courans violens d’opinion et d’imitation d’une façon trop peu réfléchie.

Il y a des critiques adressées aux défauts du métayage qui ne datent pas d’aujourd’hui, et qui appellent des réformes appropriées soit à la nature des inconvéniens inhérens plus ou moins à l’institution, soit au temps où nous vivons. On a dès longtemps reproché à ce régime la facilité des fraudes par lesquelles un métayer sans délicatesse peut frustrer un propriétaire trop peu attentif d’une partie de son légitime revenu. Évidemment, le remède le plus sûr est la loyauté du preneur. D’où la nécessité d’un personnel probe, qui ne se rencontre pas également partout, mais qu’il faut former autant que possible, afin que le propriétaire puisse user de son contrôle sans exagération minutieuse. Qu’on nous permette de citer ici quelques paroles judicieuses et charmantes d’Olivier de Serres, qui peuvent donner lieu à des observations d’une certaine opportunité. Il y a trois siècles qu’en son vieux langage, si plein de saveur, ce grand agronome traçait les devoirs réciproques du métayage. Il voulait le métayer : « homme de bien, loyal, de parole et de bon compte ; sain, âgé de vingt-cinq à soixante ans, marié avec une sage et bonne mesnagère ; industrieux, laborieux, diligent, espargnant, sobre, non amateur de bonne chère, non yvrongne, ne babillard, ne villotier, n’ayant aucun bien au soleil, ains des moyens à la bourse. » Tout cela n’a pas cessé d’être vrai, sauf peut-être l’interdiction de toute propriété, qui serait dans l’état actuel excessif et propre à éloigner du métayage. La petite propriété doit donc rester ouverte aux économies du métayer. La statistique agricole de 1868 comptait 203,860 métayers, qui possédaient de petites terres. Le nombre des fermiers-propriétaires était naturellement plus élevé et montait à 848,836, c’est-à-dire qu’en prenant pour base les calculs de cette même année, les deux tiers des fermiers et la moitié des métayers étaient propriétaires. Olivier de Serres craignait que ce ne fût là une concurrence fâcheuse pour la métairie. Nous nous sommes enquis nous-même de ce qu’il en est ; or, ce danger existe beaucoup plus dans le fermage, où la propriété a plus d’étendue, tandis que pour le métayer elle est si exiguë qu’elle l’occupe trop