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permettra d’ajouter, d’abord sur les raisons qui nous paraissent avoir fait abandonner le métayage avec trop de précipitation en plus d’un cas et dans des proportions trop étendues. Ce rapide examen rétrospectif n’est pas étranger au sujet actuel, bien loin de là ; il en donne la clé et l’explication ; nous y trouverons l’origine de plus d’une prévention à vaincre, de plus d’une erreur à rectifier, de plus d’un défaut enfin de l’institution même, qui peut et doit être corrigé.


I.

Il y a, selon nous, à distinguer dans l’explication de la décadence du métayage en France, des causes naturelles et qui ont agi dans le sens du progrès, et d’autres, d’une nature plus artificielle, auxquelles on ne peut toujours accorder la même approbation. Je dirai d’abord un mot des premières, qui sont les plus anciennes. Nul n’ignore que le métayage libre avait été lui-même un progrès considérable sur le servage en élevant davantage le travailleur à l’état d’homme, en le rendant plus actif, plus prévoyant, et en faisant profiter la terre elle-même et les seigneurs de cet accroissement de la force productive. La richesse et la civilisation avaient suscité à leur tour au métayage une double concurrence, longtemps très inférieure par le nombre, dans la petite propriété individuelle et dans le fermage. La petite propriété s’étend du XIe au XVIe siècle. Ceux qui la possèdent, qu’ils s’appellent vavasseurs, alloïers ou de tout autre nom, forment une élite dans la classe rurale : c’est une petite aristocratie qui a ses privilèges, quelquefois même ses costumes qui la distinguent. Les métayers, en petit nombre, qui arrivaient à la propriété gagnaient en liberté et en aisance, cela n’est pas douteux. Il en était de même, quoique à un degré moindre, quand ils parvenaient à la condition de fermiers à rente fixe. Ce métayer parvenu trouvait là une libre disposition de lui-même qu’il n’avait pas connue dans son ancienne situation, quelquefois même une source de fortune, comme l’atteste toute une classe de fermiers aisés, dont la vie large allait même jusqu’au luxe qu’étalait, notamment dans ses vêtemens, l’opulente fermière. Ce qui ajoutait encore à la puissance de cette classe des fermiers à rente fixe, c’est, en certaines provinces, l’établissement tantôt de droit, tantôt défait, d’un fermage héréditaire qui constituait des familles agricoles investies, de père en fils, avec une durée parfois séculaire, d’une singulière importance, et même en état, dans plus d’un cas, d’imposer à la propriété des conditions tyranniques. Nous en trouvons, encore aujourd’hui, la trace subsistante dans de rares débris, comme est