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communion ses plus violens adversaires. Trois évêques attachés à Cyprien se chargèrent de transmettre à leurs collègues la liste de ces excommuniés.

Cyprien accusait ces dissidens de prolonger son exil, qui durait depuis plus d’un an, car son retour serait devenu, dans l’église ainsi partagée, une occasion de troubles qui pouvaient la compromettre auprès des gentils. Il tenait d’autant plus à ne pas se montrer trop facile tant que son église demeurait en danger et que lui-même n’était pas remonté sur son siège. Il affectait cependant de faire bon marché de ce qui ne touchait que lui-même : « J’ai patienté longtemps… ; l’affront fait à mon épiscopat, je pourrais le dissimuler et le souffrir encore comme je l’ai toujours dissimulé et souffert. » Mais il mettait tout le monde de son côté en demandant s’il était convenable que des Tombés reparussent dans l’assemblée des fidèles quand les confesseurs exilés pour la foi ne pouvaient encore y rentrer, puisque la persécution n’était pas finie.

J’ai relevé déjà, à la fin de la lettre 14, la déclaration que fait Cyprien, qu’il n’entend pas agir seul et décider en maître, mais seulement avec le concours de son église. Néanmoins il ne voulut pas attendre son retour pour conférera quelques-uns des siens des distinctions qui sont comme les grades ou les croix donnés chez nous après les batailles. Les lettres 38 à 40 annoncent trois ordinations qu’il prend sur lui de faire tout de suite, en s’en excusant ; il a eu soin d’ailleurs de s’associer pour ces actes d’autres évêques. Il fait ainsi un lecteur et deux anciens ; le premier sans doute était trop jeune pour porter encore l’autre titre. Le troisième au contraire a déjà assez d’autorité pour que Cyprien parle de le faire bientôt évêque dans son pays, car il n’est pas de Carthage. Le second est un chrétien de Rome, Célérinus, qui revient plusieurs fois dans les lettres de Cyprien, et qui avait bien mérité, non-seulement pour avoir confessé, et cela devant l’empereur même, mais pour avoir été un confesseur respectueux et soumis, et avoir aidé l’évêque de Carthage dans ses luttes. La lettre qui le concerne ajoute à ses titres ceux de sa famille. Il avait un aïeul martyr, deux oncles martyrs, lesquels auparavant avaient porté les armes avec honneur. C’est là une noblesse (l’expression est de Cyprien), dont il aime à parer, en le présentant, celui qu’il fait entrer dans son église.

Enfin cependant la persécution a cessé, et au moment où elle achève de s’éteindre, c’est Cyprien lui-même qui témoigne qu’elle n’avait pas été bien terrible : « Nos péchés, à nous, avaient mérité davantage, mais Dieu tout clément a tellement mesuré ses coups, que tout ce qui vient de se passer a eu le caractère d’une épreuve plutôt que d’une persécution. » Il faut avouer que de pareilles