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vraiment jolie, coquette, haut perchée, s’élève sur une massive assise de rochers, au pied desquels s’étendent les larges quais bordés de magasins, aujourd’hui vides. Au fond du tableau est la charmante promenade construite par le comte de Cifuentès, ancien gouverneur de l’Ile, et au-dessus de cette esplanade serpente le chemin qui descend de la ville pour traverser le pays dans toute sa longueur, de l’ouest à l’est. Cette route royale date de la domination anglaise, qui a laissé des souvenirs ineffaçables. Au tournant de la promenade, s’ouvre le champ de courses, longeant aussi la mer et faisant face au quai. Des rochers à pic, couronnés de jardins, forment comme un immense balcon au-dessus de la côte. Peu d’endroits sont aussi pittoresques. Ici non plus l’art n’a point gâté la nature. Les délicieux vergers qu’on rencontre ensuite témoignent du goût des habitans pour la culture des arbres fruitiers et des plantes potagères. Leurs talens en ce genre sont particulièrement appréciés en Algérie, où plusieurs milliers d’insulaires de Minorque sont devenus colons, jardiniers, maraîchers. Presque tous sont laborieux et probes. L’Ile compte près de 36,000 habitans. La terre est bonne, mais elle exige beaucoup de soins ; très féconde lorsque le ciel l’arrose, exposée à la sécheresse faute de montagnes qui la défendent contre les vents du nord et du midi. Toutes les productions du sol sont d’une saveur exquise, particulièrement les fruits et les légumes. Ce goût de terroir vient sans doute de la nature volcanique de l’île et des émanations salines de la mer. Presque point de sources vives, une seule rivière au fond d’une vallée délicieuse, mais petite ; en revanche, beaucoup de torrens formés par les pluies d’orage ; beaucoup de puits pour l’arrosage, presque tous à sec quand l’eau du ciel manque : l’eau potable est précieusement conservée dans des citernes. Le paysage est original, accidenté, un peu sombre, à cause des murs en pierres sèches qui servent d’enclos aux pâturages où les troupeaux paissent en sûreté, sans aucune surveillance ; et à cause des végétaux qui poussent en tous lieux, tels que le Ientisque, l’olivier sauvage, les ronces qui bordent les chemins et quantité de plantes vireuses de la famille des solanées, qui démentent la fausse réputation que les anciens ont faite aux îles Baléares. Non-seulement la flore offre des espèces vénéneuses, mais les insectes venimeux n’y sont pas rares, tels que le scorpion et plusieurs variétés d’arachnéides, dont une spécialement est funeste aux moissonneurs. La piqûre de cet imperceptible animalcule peut être mortelle. Les espèces médicinales parmi les plantes ont une grande vertu. Les arbres poussent vigoureusement partout où ils sont à l’abri du vent. Parmi les essences utiles dominent les principales variétés du pin et du chêne. Les oliviers sont