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de s’asseoir sur les talons, les jambes repliées et croisées, les genoux écartés. Il y a aussi plus d’une analogie entre les mœurs des uns et des autres. Les bords de l’île sont escarpés, presque partout taillés à pic ; une seule ouverture du côté du midi, là où sont le port et la ville. Une ceinture de collines boisées entoure la plaine, où poussent toutes les semences, où croissent tous les arbres à fruits. On cultive de préférence l’amandier ; cette culture est la principale richesse du pays. On exporte aussi beaucoup de sel. La marine se réduit à de nombreux bateaux de pêche et à quelques barques de cabotage. Il faut se hâter d’aller voir cette île à moitié sauvage avant que la civilisation l’ait transformée. Elle compte à peu près 24,000 habitans, et Formentera un peu plus de 1,600.

Ce qu’il y a de plus agréable dans ces petits voyages, c’est qu’ils se font, en été, à la tombée ou au commencement du jour. On jouit ainsi du spectacle toujours nouveau du coucher et du lever du soleil, sans perdre la terre de vue, et de la fraîcheur de ces nuits calmes et sereines où le ciel se reflète dans la mer. La pleine lune rend la scène féerique. Aux premières lueurs de l’aube, tout se transforme, et l’œil ravi suit les côtes abruptes d’Iviça et les riantes vallées de Formentera. En quelques heures de traversée, on arrive à Majorque ; au moment où la chaleur n’est plus tempérée par la brise matinale. La plus grande des Baléares est aussi la plus belle, la plus riche, la plus peuplée. La baie de Palma est merveilleusement disposée pour le plaisir des yeux. Elle a la forme d’un fer à cheval. Au fond, faisant face à l’entrée, bien au centre, la vieille ville sortant de ses murailles. Au-dessous, le port, dont la jetée s’avance fort- loin dans la mer. Deux édifices dominent tous les autres, l’église des Saintes-Croix et la haute cathédrale, parallèle au quai qui lui sert de base. A côté, l’évêché, qu’on appelle le palais (lo palau), et entre les deux, au second plan, la merveilleuse façade de l’église des franciscains. A droite et à gauche de la ville s’étendent deux faubourgs aux maisons blanches, celui de Sainte-Catherine (6,000 âmes), entre la Bourse, digne d’être vue, même après celle de Valence, et les nombreuses habitations de plaisance groupées au-dessous du gracieux château de Bellver et au pied du fort Saint-Charles, tout près de l’ancien port, tout petit, mais sûr, nommé Porto-Pi. En face, de l’autre côté, le faubourg du Molinar, qui emprunte son nom d’une double rangée de moulins à six ailes, dont la tour massive repose sur une large terrasse, sous laquelle est l’habitation du meunier. Ces moulins debout sur la rive produisent un effet très original. Un hémicycle de montagnes rocheuses, aux pentes boisées, encadre ce ravissant tableau, et se termine à droite par le mont de Randa, célèbre par son antique ermitage et le long séjour qu’y fit Ramon Lull. Ce double amphithéâtre présente un