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fois il y eut des tortures (lettre 10). Cela ne fut pas long, mais cela fut terrible. Aussi son éloquence redouble d’éclat et d’allégresse triomphante. « Quelles paroles trouverais-je pour vous célébrer ! quelle éloquence sera assez retentissante pour relever votre courage et votre inébranlable fidélité ? Vous avez supporté la question la plus cruelle jusqu’au terme qui achevait votre gloire ; vous n’avez pas été vaincus par les supplices ; ce sont les supplices qui ont été vaincus… Les bourrelés[1] sont restés plus forts que les bourreaux ; les ongles de fer frappaient et déchiraient, mais les membres frappés et déchirés ont eu le dessus… Le sang a coulé pour éteindre le feu de la persécution, pour étouffer et noyer glorieusement les flammes de l’enfer. Oh ! quel spectacle pour le Seigneur, combien grand, combien magnifique, combien agréable aux yeux de Dieu par le dévoûment et la fidélité de son soldat ! » Il parle comme parlait Sénèque : « Voilà un spectacle qui mérite de fixer les regards de Dieu, s’intéressant à son œuvre ; voilà un couple digne de lui, l’homme de cœur aux prises avec sa mauvaise fortune (De Provid., 2). » Cyprien continue : « Quelle a été la joie de Christ ! avec quelle complaisance il a combattu et vaincu dans de pareils serviteurs ! .. C’était son combat ! il y a été présent ; les champions de son nom, il les a poussés, fortifiés, enflammés. Celui qui une fois a dompté la mort pour nous la dompte tous les jours en nous. » Puis s’adressant à ceux qui n’ont pas été jusqu’à présent engagés dans la lutte : « Si le combat vous réclame, si le jour de bataille vient aussi pour vous, résistez énergiquement, tenez jusqu’au bout, sachant que le Seigneur est là et que vous luttez sous ses yeux ; qu’en confessant son nom, vous obtiendrez d’être associés à sa gloire ; qu’il n’est pas de ces maîtres qui se contentent de regarder faire leurs serviteurs ; mais que lui-même il combat en nous, que lui-même il soutient le choc ; que c’est lui-même qui, dans l’épreuve que nous subissons, nous couronne et est couronné tout ensemble. » Et ceux encore qui, si la paix survient, n’auront pas eu l’honneur de vaincre, il leur fait aussi leur part du triomphe. Ils étaient prêts à vaincre ; Dieu, qui voit les cœurs, enregistrera leur bonne volonté comme une victoire. « Frères bien-aimés, les deux lots sont également beaux et glorieux. Il est plus sûr de se hâter d’aller au Seigneur en achevant la victoire ; il est plus doux d’avoir son congé après la gloire et de briller entouré des hommages de l’église. Heureuse notre église, que décore le témoignage de la grâce divine, à qui il a été donné dans notre temps de se parer du sang glorieux des martyrs ! Elle portait jusqu’ici la robe blanche pour les bonnes œuvres des siens ;

  1. J’emprunte le mot à notre vieille langue.