d’un Saint-Just ou d’un Robespierre, il n’en soit rien demeuré ? Ces « droits de l’homme, » que la Constituante voulut inscrire au frontispice de la constitution de la France, la proclamation n’en aurait-elle procédé que d’un esprit d’envie, de haine et de discorde ? et aucun souci des droits de la « conscience, » aucun sentiment de « l’honneur, » aucune noblesse ou générosité d’âme enfin, ne s’y seraient-ils mêlés ? Ou bien encore, dans cette propagande armée qu’elle allait bientôt entreprendre, la révolution n’était-elle animée que d’une fureur sectaire ? et quelque réelle préoccupation de la dignité de l’homme, ou quelque louable indignation des maux qu’engendre la servilité ne s’y alliaient-ils pas ? Que l’on se soit trompé, que l’on ait abusé des plus beaux noms qui soient parmi les hommes, qu’on les ait fait servir à des œuvres de sang, nous le croyons, nous le redisons avec M. Taine. En sont-ils moins beaux cependant ? en sont-ils moins vrais ? ou ne sont-ils qu’un déguisement trompeur de ce qu’il y aurait de plus vil et de plus bas dans la nature humaine ? et de tant d’hommes qui les ont crus, quand on a retranché les « coquins, » ne reste-t-il que les « niais ? » C’est l’opinion de M. Taine. Il est permis d’en avoir une autre. On ne prendrait pas ainsi la multitude par l’appât de la liberté si M. Taine avait raison. Et quand On admettrait qu’il eût raison au fond, il aurait encore tort dans la forme, pour n’avoir compté nulle part dans son analyse, avec ce que ces mots exercent et exerceront toujours sur les esprits des hommes, de naturel, de victorieux, d’irrésistible prestige.
Parcelles plus subtiles, mais non pas moins réelles de l’esprit révolutionnaire, ce sont ces élémens que j’ai cherchés, sans les y trouver, dans l’ouvrage de M. Taine. Ai-je mal cherché peut-être ? Mais à tout le moins y sont-ils si bien dissimulés que je n’ai su les y apercevoir, et, craignant que le lecteur ne les y aperçoive pas davantage, c’est comme si je disais qu’il ne manque rien tant à cette philosophie de la révolution qu’une analyse complète et vraiment impartiale des causes qui ont opéré la révolution. L’historien en a mis quelques-unes en lumière, les plus profondes en un certain sens, et c’est ce qui fait la valeur de son livre ; il en a trop laissé dans l’ombre, de trop considérables, et sans avoir assez prouvé qu’il eût le droit de les y laisser. Regrettable lacune, sans doute, regrettable déjà s’il ne s’agissait que de l’histoire de la révolution, plus regrettable encore s’il est question, comme ici, de démêler et de signaler dans l’histoire de la révolution quelques-unes des origines de la France contemporaine. Faut-il d’ailleurs le dire ? Cette analyse elle-même serait plus complète que cependant il y manquerait quelque chose encore ; et M. Taine y aurait tout mis qu’il