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révolution sociale, ni personne mieux montré comment sur la question sociale, et non pas sur aucune question de l’ordre politique, s’est opérée dès le début cette séparation de la France en deux camps, ou plutôt en deux Frances : l’ancienne et la nouvelle.


III

Ce que M. Taine n’a ni moins clairement vu, ni moins clairement montré, dans son second volume : la Conquête jacobine, c’est comment, par quels moyens, et pourquoi le pouvoir a passé de l’une à l’autre de ces deux Frances. Des trois volumes de la Révolution, peut-être n’est-ce pas celui-ci qui contient le plus de morceaux d’éclat, ni les plus brillans, mais peut-être est-ce le plus solide, et celui dont la portée s’étend le plus loin au-delà de son contenu même. Je veux dire qu’il semble bien qu’en nous retraçant l’histoire de la conquête jacobine, M. Taine ait en même temps formulé quelques-unes des lois qui gouvernent, et, selon toute apparence, gouverneront longtemps encore le développement de nos démocraties modernes.

Si nous en voulions croire les historiens de la révolution, il n’y aurait rien eu que de fortuit et de contingent dans les circonstances qui portèrent au pouvoir le parti jacobin. Supposé que les girondins, par exemple, n’eussent pas commis cette imprudence ou ce crime de déchaîner sur l’Europe une guerre que l’on estime qu’ils lui pouvaient épargner, la plupart enseignent donc que le terrorisme en perdait non-seulement ce qu’ils lui trouvent d’excuses dans la nécessité du salut public, mais encore jusqu’à sa raison d’être. Et la légende (car c’en est une) est si solidement établie, que M. Taine, qui l’attaque, ne peut toutefois s’empêcher d’en retenir quelque chose, précisément quand il renouvelle contre les girondins ce même banal et injuste reproche. Mais, et sans considérer s’il dépendait d’aucune puissance humaine de prévenir, de retarder ou d’amortir seulement ce choc de la révolution et de l’ancienne Europe, il faut dire, pour être vrai, que la révolution devait nécessairement aboutir à s’incarner dans les jacobins comme étant la plus ressemblante, la plus complète, et la plus inévitable expression d’elle-même.

On entend bien ici que, pas plus que M. Taine, entre tous ceux qu’enveloppe cette appellation commune, nous ne croyons devoir distinguer les girondins d’avec les montagnards ou les thermidoriens. Du jour de leurs débuts à la législative, en 1701, jusqu’à celui de leur chute, au 31 mai 1793, on ne saurait en effet citer une loi de violence ou de meurtre dont les girondins n’aient été les complices, quand encore ils n’en ont pas été les premiers