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et enfin une école supérieure pour les filles. Voici les résultats du dernier recensement scolaire de 1883 : écoles musulmanes mektebs et médressés : 661 hodschas ou maîtres et 27,557 élèves des deux sexes ; 92 écoles chrétiennes confessionnelles des deux rites avec 137 instituteurs et institutrices, 4,770 élèves ; 42 écoles laïques gouvernementales avec 59 instituteurs et 2,876 garçons et 468 filles. Total : 35,661 élèves, ce qui pour 1,158,453 habitans, fait environ 3 élèves par 100 habitans. Le gymnase comptait en 1883 124 élèves appartenant à 5 cultes différens : 50 orthodoxes, 43 catholiques, 9 israélites, 8 mahométans et 4 protestans.

La grosse querelle de l’alphabet fait bien voir à quel point les susceptibilités confessionnelles sont surexcitées en Bosnie. Tous parlent exactement la même langue, le croate ; seulement les catholiques l’écrivent avec l’alphabet latin, les orthodoxes avec l’alphabet cyrillique. Pour simplifier la tâche de l’instituteur, le gouvernement prescrivit que, dans les écoles non confessionnelles, on se servirait uniquement de l’alphabet latin. Les orthodoxes réclamèrent violemment. Pour eux, les caractères cyrilliques font partie de leur culte. Qui veut les remplacer par les caractères occidentaux porte atteinte à leur religion. Le gouvernement a dû céder pour ne pas provoquer une protestation formidable. Les orthodoxes mettent sur leurs écoles l’inscription suivante en lettres cyrilliques : Srbsko narodno ulchilischte, c’est-à-dire « Ecole populaire serbe. » Par serbe ils entendent ici le rite oriental. Mais comme le fait remarquer M. Straus, le mot juste serait pravoslavno, « ancien slave. » Le remplacement de l’alphabet cyrillique par l’alphabet latin serait, me semble-t-il, très utile à la cause jougo-slave ; car elle effacerait une barrière qui s’élève entre les Serbes et les Croates. Croates, Monténégrins, Bosniaques, Serbes parlant le même idiome, pourquoi ne pas faire usage des mêmes caractères ? Les Roumains ont abandonné les caractères cyrilliques ; la propagande catholique en a-t-elle profité ? En Allemagne, on imprime de plus en plus les livres en caractères latins, malgré les protestations de M. de Bismarck ; en quoi cela peut-il porter atteinte à l’originalité des travaux scientifiques ou des publications littéraires de l’Allemagne ?

Quels changemens aussi, depuis l’occupation, dans les moyens de communication et de correspondance ! Quand j’étais venu, il y a quelques années, jusqu’à Brod pour visiter la Bosnie, je fus arrêté non-seulement par les difficultés du voyage, mais surtout par la crainte des irrégularités de la poste. La seule route à peu près carrossable était celle de la Save à Serajewo. Les lettres étaient expédiées avec si peu de diligence et de soin qu’elles mettaient quinze jours pour arriver à la frontière, où souvent elles s’égaraient. Aussi, pour les messages importans, les négocians envoyaient un courrier.