située sur un rocher élevé, domine la ville du côté du sud ; nous allons d’abord saluer des ulémas qui enseignent l’arabe à M. Scheimpflug. Nous y rencontrons un des begs les plus riches du pays, M. Capetanovitch. Il porte des habits européens qui lui vont très mal. Quel contraste avec les ulémas, qui ont conservé le costume-turc et qui ont les allures calmes et nobles d’un prince d’Orient ! Ces musulmans qui veulent « s’européaniser » se perdent ; ils ne-prennent guère à l’Occident que ses vices. Mahmoud a inauguré l’ère des réformes, l’Europe a applaudi ; les résultats prouvent qu’il n’a fait que hâter la décadence.
La route que nous suivons longe la Miljaschka. Sur ses bords se succèdent des cafés turcs, avec des balcons qui s’avancent parmi les saules au-dessus des eaux claires de la rivière, bruissant sur les cailloux. De nombreux musulmans y fument le tchibouk en jouissant de la vue du paysage et de la fraîcheur qu’apporte le torrent. Dans l’ancienne citadelle, qui remonte à l’époque de la conquête, on a construit une grande caserne moderne, badigeonnée en jaune, qui offense le regard. Mais quand on se retourne pour contempler Serajewo, on comprend toutes les hyperboles des qualifications admiratives que les Bosniaques prodiguent à leur capitale. La Miljaschka qui sort des montagnes voisines de la sauvage Romania-Planina divise la ville en deux parties que relient huit ponts : deux sont en pierre, détail à signaler dans un pays où les travaux permanens sont si rares. De hauts peupliers et de curieuses maisons turques tout en bois bordent la petite rivière. Au-dessus des toits noirs s’élèvent les dômes et surtout les minarets des nombreuses mosquées qui s’éparpillent jusque sur les collines voisines. Celles-ci sont couvertes d’habitations de begs et d’agas ; peintes en couleurs vives, elles se détachent sur la verdure épaisse des jardins qui les entourent. Vers le nord, la vallée, toujours encadrée de collines verdoyantes, s’élargit à l’endroit où la Miljaschka se jette dans la Bosna qui sort toute formée d’une caverne, à une lieue d’ici. Cette vue d’ensemble est très belle.
Derrière la citadelle, vers l’est, s’ouvre une gorge sauvage. Pas un arbre, pas une habitation ; quelques broussailles couvrent les parois abruptes ; c’est un désert farouche, et nous sommes à un kilomètre de la capitale. Voilà ce que produit le défaut de sécurité. Près de la porte de la citadelle, je visite un moulin à farine d’une construction très originale et tout à fait primitive. J’en ai vu beaucoup en Bosnie, mais nulle part ailleurs ; on pourrait les imiter chez nous, parce qu’ils tirent parti d’un très petit filet d’eau. L’arbre de couche où sont fixées les palettes est placé perpendiculairement, et le filet d’eau, amené d’une hauteur de 3 mètres environ, à travers un fût de chêne perforé, frappe les palettes à droite de l’essieu