Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/320

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manquent presque complètement. Le climat est déjà celui de la Dalmatie. Comme il appartient au bassin de la Méditerranée, le pays est sous l’influence du sirocco et des longues sécheresses de l’été. La vigne et le tabac donnent d’excellens produits. L’olivier apparaît et l’oranger lui-même se voit vers les bouches de la Narenta. On cultive le riz dans la vallée marécageuse de la Trebisateh, aux environs de Ljubuska. En Bosnie, au contraire, région élevée qui penche vers le nord, le climat est rude : il gèle fort et longtemps à Serajewo, et la neige y persiste pendant six semaines ou deux mois.

L’agriculture, en Bosnie, est une des plus primitives de toute l’Europe. Elle n’applique qu’exceptionnellement l’assolement triennal connu des Germains au temps de Charlemagne, et même, dit-on, dès l’époque de Tacite. Généralement, la terre restée en friche est retournée ou plutôt déchirée par une charrue informe. Sur les sillons frais, la semence de maïs est jetée, puis légèrement enterrée, au moyen d’une claie de branchages qui sert de herse. Les champs sont binés une ou deux fois entre les plants. Après la récolte, on met un second ou un troisième maïs, parfois du blé ou de l’avoine, jusqu’à ce que le sol soit entièrement épuisé. Il est alors abandonné ; il se couvre de fougères et de plantes sauvages où paît le bétail, en attendant que revienne la charrue, après cinq ou dix années. Nul engrais, car les animaux domestiques n’ont très souvent aucun abri ; ils vaguent dans les friches ou dans les coure. Aussi le produit est relativement minime : 100 millions de kilogrammes de maïs, 49 millions de kilogrammes de froment, 38 millions de kilogrammes d’orge, 40 millions de kilogrammes d’avoine, 10 millions de kilogrammes de fèves. La fève est un article important de l’alimentation, car on en mange les jours de jeûne et de carême, et il y en a cent quatre-vingts pour les orthodoxes et cent cinq pour les catholiques. On récolte aussi du seigle, du millet, de I’épeautre, du sarrasin, des haricots, du sorgho, des pommes de terre, des navets, du colza. Le produit total des grains divers s’élève à 500 millions de kilogrammes.

Voici des faits qui prouvent l’état déplorablement arriéré de l’agriculture. Ce pays qui serait si favorable, sous tous les rapports, à la production de l’avoine, ne peut en fournir assez pour les besoins de la cavalerie ; on en importe de Hongrie et elle se paie, à Serajewo, le prix excessif de 20 à 21 francs les 100 kilogrammes. Le froment est de mauvaise qualité et cher. Ce sont les moulins hongrois qui fournissent la farine que l’on consomme dans la capitale. Elle y arrive par chemin de fer, à meilleur marché que la farine du pays, qui, à défaut de routes, doit être transportée à des de cheval. Une maison hongroise a voulu établir un grand moulin à vapeur à Serajewo, mais il était impossible de l’approvisionner suffisamment. L’un des