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Je ne m’arrêterai pas aux autres Sermons de Cyprien : sur l’Oraison dominicale, sur les bonnes œuvres et les aumônes, sur la vertu de patience, sur la jalousie et l’envie. Il suffira de rappeler :

Que le premier et le troisième ont été composés d’après les écrits de Tertullien qui portent le même titre, ou à peu près ;

Que le troisième et le quatrième appartiennent à un genre de prédication très cultivé par les philosophes avant l’époque du christianisme et qui avait produit une multitude de discours, tous aujourd’hui perdus, à l’exception d’un ou deux écrits de Sénèque ;

Enfin, que ces deux discours de Cyprien, malgré la généralité du sujet, se rattachent encore aux luttes qu’il a eu à soutenir, le premier étant inspiré principalement par la persécution, et le second par le schisme.

Quant aux morceaux intitulés Témoignages et Exhortation au martyre, ce ne sont plus des compositions, mais de simples recueils de textes sacrés, rangés sous certains chefs, pour l’usage et pour l’édification des fidèles. Les quelques pages sur la vanité des idoles ne sont qu’un extrait de Tertullien.

J’ai parlé d’une correspondance de Cyprien, mais je n’ai guère cité que des lettres de lui, parce qu’en effet les quelques lettres de personnages divers qui se trouvent mêlées aux siennes n’ont d’intérêt que rapprochées de celles-ci. Il faut excepter pourtant cette lettre 75, où un évêque d’Asie, Firmilianus, écrivant à Cyprien, prend si vivement parti pour lui contre Stéphanus, l’évêque de Rome. Il y est amené par la discussion à rappeler le souvenir de l’état de trouble où s’étaient trouvées les églises de la Cappadoce et du Pont, il y avait vingt-deux ans, peu après la mort d’Alexandre Sévère. Des tremblemens de terre avaient désolé le pays, et cette calamité avait soulevé les esprits contre les chrétiens. Sérénianus, qui gouvernait la province, les avait violemment persécutés, persécution d’ailleurs toute locale, et qui ne s’étendait pas, comme celle de Décius, à l’empire entier ; mais qui troubla et épouvanta d’autant plus qu’elle succédait à un long calme. Au milieu de cette agitation, il parut tout à coup une femme extatique, qui se disait prophétesse et pleine de l’Esprit saint. Elle était en proie aux assauts des premiers parmi les démons ; elle opérait toutes sortes de prodiges et se vantait de faire à volonté des tremblemens de terre. « Ce n’est pas, dit naïvement Firmilianus, que le démon ait assez de pouvoir pour ébranler la terre et en secouer la masse par ses seules forces ; mais c’est que quelquefois l’Esprit mauvais, comprenant et pressentant qu’un tremblement de terre allait avoir lieu, faisait semblant de produire ce qu’il ne faisait que prévoir. » Ces prestiges entraînaient la foule, qui suivait partout