juifs[1]. Mais on ne voit pas que les chrétiens aient assisté, de leur personne ou de leurs ressources, ceux qui les torturaient ou qui trouvaient bon qu’on les torturât, ni que Cyprien les ait invités à le faire.
Voici comment je me figure qu’on peut s’expliquer les paroles de Pontius. Très peu après le martyre du grand évêque, la persécution cessa, et l’église fut en pleine paix pour trois quarts de siècle. Non-seulement il n’y eut plus de rigueurs ni de supplices, mais, par un édit de Gallien, les chrétiens rentrèrent en possession des églises et des tombeaux qu’on leur avait confisqués et exercèrent leur religion librement. On comprend que sous ce régime nouveau les haines se soient calmées, que les esprits se soient rapprochés[2] ; que l’humanité ait repris ses droits, et que, s’il est revenu quelque calamité publique, comme en effet il paraît que l’épidémie renouvela pendant plusieurs années ses ravages, les chrétiens aient pu cette fois étendre plus loin leur charité. Ce qu’il voyait se faire alors autour de lui, Pontius a pu par l’imagination le reporter en arrière, et croire qu’il l’avait vu déjà au temps de celui dont le souvenir était entouré de la vénération de tous.
Un autre écrit de Cyprien lui a encore été suggéré par la peste de Carthage ; c’est la Réponse à Démétrianus. Ce personnage parait avoir été un rhéteur, faisant le métier qu’avait fait jadis Cyprien lui-même, mais employant son éloquence à déclamer contre les chrétiens, et par conséquent à irriter contre eux le préjugé et la passion populaire. Il proposait volontiers à Cyprien des conférences publiques dans lesquelles il disputait contre lui devant une foule curieuse. A l’occasion de la peste, il avait fait un discours où il soutenait après bien d’autres que les calamités qui depuis un certain temps affligeaient les hommes étaient reflet de la colère des dieux irrités contre les chrétiens. Cyprien répond d’abord que tous ces maux s’expliquent plus simplement par ce fait que le monde a vieilli et qu’il est atteint de toutes les infirmités de la vieillesse. C’était le préjugé général, préjugé trop justifié par les souffrances qu’éprouvait alors l’humanité, écrasée sous la conquête romaine. Mais bientôt il s’enhardit, et retournant le reproche qu’on lui adresse, il déclare que ces fléaux sont dus au contraire à la colère du dieu véritable, irrité par l’idolâtrie et aussi par toutes les iniquités du monde des gentils. Et ici nous entendons, sous l’éloquence de l’évêque, les grondemens des mécontens qui portaient si