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quelques-uns des grands-ducs et une suite des plus brillantes. L’empereur François-Joseph est allé, avec l’impératrice Elisabeth, avec le prince héritier et quelques-uns des archiducs, à la rencontre de la famille impériale de Russie. M. de Giers, qui était à Franzensbad, s’est rendu de son côté auprès de son souverain à Kremsier, où il s’est rencontré avec M. le comte de Kalnoki. Pendant deux jours les banquets, les réceptions, les chasses, les représentations de gala se sont succédé sans interruption ! Aux fêtes se sont mêlées les conférences des ministres, et tout semble s’être passé aussi cordialement que possible entre les diplomates comme entre les deux familles impériales. En deux jours on a eu le temps de suffire à tout, à l’agrément, et aux affaires sérieuses ; puis on s’est quitté, racontent les historiographes, en se promettant de se revoir : c’était bien le moins ! Reste à savoir ce qui survit à ces représentations brillantes données de temps à autre à l’Europe.

Ces entrevues qui sont devenues fort à la mode, qui se sont renouvelées bien des fois depuis des années, n’ont pas toujours eu, sans doute, le privilège de détourner ou de suspendre le cours des événemens qui, le plus souvent, sont le résultat de la force des choses ; elles ne laissent pas néanmoins d’avoir leur importance ; elles sont dans tous les cas le gage visible de la bonne volonté des chefs de puissans états séparés par bien des intérêts. Cette récente entrevue de Kremsier, succédant à tant d’autres, n’est point uniquement, on peut le croire, un acte de courtoisie, une visite rendue par le tsar à l’empereur François-Joseph ; elle est l’expression calculée et préméditée d’une politique. Elle atteste, elle doit attester, de la part des deux gouvernemens, l’intention de maintenir la paix dans les Balkans, de décourager les agitations, de ne pas laisser se réveiller cette question d’Orient sur laquelle la Russie et l’Autriche sont éternellement en conflit. Elle est comme une continuation ou un appendice de cette autre entrevue qui réunissait, l’an dernier, les trois empereurs à Skierniewice, qui semblait avoir pour objet d’établir entre Berlin, Vienne et Pétersbourg, une entente sur certains points de politique intérieure autant que sur la politique extérieure. L’empereur Guillaume n’était pas cette fois de la réunion des souverains, disions-nous ; il a été retenu par son grand âge qui ne lui permet plus ces excursions, et par suite son chancelier, le plus puissant de tous, ne s’est pas trouvé non plus dans la petite ville de Moravie où le tsar a reçu l’hospitalité autrichienne ; mais il est bien clair que, si le chef de l’empire allemand manquait de sa personne à la fête, il était présent par l’esprit, par l’influence, par l’autorité. On ne s’est pas réuni à son insu et sans qu’il ait mis son visa au programme de l’entrevue. Peu auparavant, les souverains autrichiens étaient allés visiter le vieil empereur Guillaume à Gastein, et c’était déjà comme un prélude de la visite de Kremsier. Le chef de la diplo-