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attend la fin de la mission qu’il a confiée à sir Henry Drummond Wolff pour aller régler, s’il le peut, à Constantinople et au Caire, la question du Soudan et de l’Égypte ; il négocie discrètement, avec la Russie sur la délimitation de l’Afghanistan, et on peut bien penser que le nouveau ministère ne négligera rien pour pouvoir se présenter aux élections prochaines avec une solution des difficultés que les libéraux lui ont léguées, qui, depuis quelques mois, ont passionné l’Angleterre. Quelle sera la solution de ces difficultés d’Egypte et d’Afghanistan ? Le chef du cabinet ne l’a pas dit ; il ne s’est expliqué ni devant le parlement avant sa séparation, ni au banquet traditionnel de Mansion-House, qui a coïncidé avec la fin de la session. Il a laissé beaucoup espérer sans rien promettre. Ce qu’il y a de plus curieux et de plus caractéristique dans le discours de lord Salisbury à Mansion-House, c’est ce sentiment de libre et supérieure équité que les partis anglais savent toujours garder entre eux, et dont le premier ministre a donné un exemple de plus en reconnaissant la parfaite loyauté de M. Gladstone à l’égard du cabinet dans les derniers jours de la session ; c’est aussi le ton dégagé avec lequel lord Salisbury s’est défendu contre ceux de ses amis qui lui reprochaient de n’avoir point répudié tout ce qu’avait fait l’ancien cabinet, de n’avoir pas renoué les traditions de lord Beaconsfield. Le ministère conservateur n’entend pas se départir de la politique de conciliation ou de concession suivie par les libéraux dans la question de l’Afghanistan, dans les négociations engagées avec la Russie. On bataillera plus ou moins, diplomatiquement s’entend, pour Zulficar, mais tout s’arrangera, et si lord Salisbury a pu récemment quitter Londres pour venir en villégiature à Dieppe où il va passer quelques semaines, c’est qu’il sait déjà à peu près à quoi s’en tenir, c’est qu’il ne voit évidemment rien de grave à propos de l’Afghanistan ou de l’Egypte.

Est-ce à dire qu’à défaut d’une question afghane, qui aurait pu être sérieuse, il ne reste plus rien pour occuper ou animer ces vacances d’automne ? Il y a tout au moins les visites impériales, une de ces entrevues de têtes couronnées qui ont si souvent piqué la curiosité de l’Europe, et il y a eu aussi pour un moment, pas plus tard que ces jours derniers, une alerte assez imprévue dans les rapports de l’Allemagne avec l’Espagne. Nous n’avons pas eu pour cette année, il est vrai, le spectacle d’une rencontre des trois souverains du Nord ; à la représentation récente on n’a vu paraître ni l’empereur Guillaume ni M. de Bismarck. Il n’y a eu que deux empereurs, les souverains de Russie et d’Autriche en présence ; mais rien n’a été négligé visiblement pour donner de l’éclat à cette entrevue restreinte qui a eu lieu à Kremsier, dans le vieux palais des évêques d’Olmutz, où toutes les somptuosités de la cour de Vienne ont été déployées pour la circonstance. L’empereur Alexandre III est arrivé à Kremsier avec la tsarine, quel-