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expéditions lointaines, aux profusions de dépenses érigées en système des opportunistes. Ceux qui se font de ces programmes, qu’on prend trop souvent au sérieux, ce sont ces politiques de comités ou de clubs, qui, sous prétexte d’interpréter l’opinion, imposent tout simplement leurs fantaisies. Le pays, plus modeste, ne demanderait volontiers, si c’était possible, qu’à être plus ménagé dans ses intérêts, dans ses croyances, dans sa sécurité, à ne point être l’éternelle dupe de ceux qui ont la prétention de parler pour lui. On sent bien quelquefois cette lassitude universelle qui ressemble à un avertissement. Les républicains des Vosges avouaient récemment eux-mêmes qu’un pays comme le nôtre, qui vit de paix, de travail et de bon sens, « préférera toujours les améliorations pratiques aux promesses chimériques, aux réformes creuses et retentissantes, à la politique agitée et impuissante. » Fort bien ! mais alors que signifient ces programmes où on laisse s’introduire, sous des formes plus ou moins déguisées, les réformes chimériques, les menaces d’agitations stériles ? C’est un perpétuel subterfuge. On promet au pays des améliorations pratiques et on se réserve de traiter avec les radicaux de bonne volonté, de leur ménager une place dans la majorité, de leur livrer tour à tour un peu de magistrature, un peu de concordat, un peu des institutions militaires. C’est tout l’opportunisme, et s’il se trouve des dissidens, des indépendans qui osent rompre avec l’équivoque, dire la vérité, opposer programme à programme, on les excommunie, on les appelle, — c’est la dernière injure, — réactionnaires, cléricaux ou orléanistes ! C’est ce qui vient d’arriver à M. Henri Germain à propos d’une circulaire qu’il a adressée à ses électeurs de l’Ain. M. Germain a osé déclarer qu’on abuse la France depuis quelques années, qu’on ne gouverne pas une grande nation en engageant sa politique extérieure dans toutes les aventures, en accumulant les déficits dans ses finances, en troublant sa paix religieuse. Il a parlé ainsi, il a été exclu de la république comme un ennemi des institutions ; et cependant, s’il est un fait vrai, qui reste la moralité des élections prochaines, c’est que la république ne peut vivre qu’en échappant aux influences qui la compromettent, en retrouvant une direction nouvelle, un gouvernement de patriotisme prévoyant, d’ordre financier, de sincérité, d’équité libérale.

La France est donc tout entière ou à peu près à ses élections qui décideront bien ou mal de la direction de sa politique et de son avenir prochain. L’Angleterre n’en est pas tout à fait là, elle y arrivera bientôt à son tour elle ne tardera pas à entrer, elle aussi, dans l’agitation électorale. Pour le moment l’Angleterre est officiellement au repos.

Le parlement s’est séparé il y a quelques jours à peine après avoir entendu un discours de la reine qui ne dit rien de nouveau ni rien de particulièrement décisif. Le ministère conservateur qui a pris récemment les affaires reste maître du pouvoir : il règne et il gouverne. Il