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LES
VIEUX AMIRAUX

COMMENT S’ÉTABLIT LA SUPRÉMATIE NAVALE.


I

On a souvent dit : « Jeunes capitaines et vieux amiraux. » Je renverserais volontiers l’aphorisme. Tanger et Mogador ont été des affaires de guerre très bien conduites : le chef n’avait pas, s’il m’en souvient, les années de Mathusalem. Ce n’est probablement point parce qu’ils étaient vieux que les Howe, les Jervis, les Doria et les Barberousse ont remporté leurs victoires ; c’est parce qu’à l’époque où ils ont vécu, l’âge était un titre incontestable au respect et à l’autorité. Plus jeunes, s’ils eussent été investis du même ascendant, ils auraient, sans aucun doute, mieux fait encore : au lieu de la bataille de Prévésa et du combat d’Ouessant, nous aurions eu Trafalgar et Lépante. L’idéal du grand capitaine de mer, c’est Ruyter ou Suffren, entourés du prestige d’une illustre origine et commandant des flottes avec la juvénile ardeur de don Juan d’Autriche. « Gouverner, affirmait Louis XIV, c’est choisir. » Le hasard de la naissance a parfois autant de discernement que la pénétration des ministres.

Le 11 juillet 1675, Colbert, levé dès cinq heures du matin, écrivait à son fils, le marquis de Seignelay, qui se trouvait alors auprès