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PROPOS D’EXIL


Août 1883.


I.

... En m’éveillant, je regardai la fraîche mousse sur laquelle j’avais dormi. — Elle était semblable aux mousses de France, et il y avait aussi des graminées fines rappelant celles des bois familiers où j’ai vécu enfant, à l’ombre de très grands chênes, sur un sol pierreux, favorable aux bruyères...

C’était au pied d’un vieux petit mur, dans un recoin très ombreux.

Et il n’avait non plus rien d’étrange, ce bas de mur contre lequel s’appuyait ma tête ; il était comme ceux des maisonnettes de nos villages; autrefois blanchi d’une couche de chaux à la manière campagnarde, — maintenant tout verdi, avec des fougères dans les trous... Sans doute quelque cabane abandonnée, isolée au milieu d’une région touffue d’arbres. (Autour de soi, on devinait les profondes épaisseurs vertes.)

— Et j’eus la sensation complète, pendant deux secondes, la sensation du pays, avec le charme de nos étés de France ; l’illusion d’un de mes réveils d’enfant, dans quelqu’un de nos bois...

... Pourtant ce grand vent qui passait dans les branches, qui passait toujours, ce grand vent était bien chaud, et charriait des senteurs inconnues... Puis j’entendis près de moi gémir la mer, — et, au-dessus de ma tête, un autre son, — un son des plages lointaines, — me jetant tout à coup dans un monde confus de souvenirs d’ailleurs... Alors je regardai en haut... Dans la lumière excessive