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REVUE. — CHRONIQUE.

ques-unes de ces entrevues princières ou ministérielles qui se reproduisent périodiquement. Hier l’empereur et l’impératrice d’Autriche allaient complimenter le vieux souverain allemand qui est à Gastein ; d’ici à peu, dit-on, M. de Bismarck et le comte Kalnoky pourraient se rencontrer on ne sait où. Plus tard, peut-être, le tsar ira-t-il rendre visite à l’empereur François-Joseph, Au demeurant, ces entrevues, qui ont pu avoir quelquefois leur importance, semblent assez dénuées de signification pour cette année ; elles ne paraissent du moins répondre à aucune circonstance particulière ou extraordinaire. Il fallait bien qu’on crût n’avoir rien à craindre pour la saison, qu’on ne vît rien de grave dans les relations générales, puisque depuis quelque^ours déjà ministres et diplomates ont quitté leur poste ou se disposent à voyager, à aller se retremper aux eaux d’Allemagne ou de France. Le chancelier de Russie, M. de Giers, est à Franzensbad pendant que son souverain est à Helsingfors, Le président du conseil du roi Humbert, qui reste chargé de la diplomatie italienne, M. Depretis, va dans les Vosges. Lord Salisbury lui-même vient en villégiature à Dieppe. Les ambassadeurs prennent leurs vacances et sont sur tous les chemins : preuve évidente que, ces jours passés encore, tout était à la paix, au calmo dans les relations extérieures.

Oui vraiment, l’Europe ne pensait pas à mal, elle vivait sur la foi des apparences, des déclarations, des protestations pacifiques, lorsque tout à coup l’oracle contraire a parlé. La Gazette de L’Allemagne, du Nord, qui sait ce qu’elle dit, qui a les secrets de la chancellerie de Berlin et qui a l’habitude des coups de trompette inattendus, la terrible Gazette a élevé la voix pour annoncer qu’il ne fallait pas s’y fier, qu’il y avait des orages menaçans devers les Vosges, qu’on n’en avait pas fini avec les passions françaises, toujours prêtes à se déchaîner. La Gazette sibylline a parlé ainsi, et à sa suite, la plupart des gazettes allemandes, fidèles au mot d’ordre, se sont fait un devoir de reprendre les vieilles polémiques contre la France, — qui seule manifestement menace la paix du monde, heureusement préservée par le sage et puissant solitaire de Varzin. Nous voilà bien avancés si nous avions eu trop d’illusions !


Que s’est-il donc passé qui ait pu provoquer ou motiver cette explosion imprévue de mauvaise humeur teutonne ? Est-ce qu’il y aurait eu récemment entre les deux nations, entre les cabinets de Paris et de Berlin, quelque querelle, quelque dissentiment, qui aurait donné lieu à des explications plus ou moins vives, à des correspondances ou à des conversations diplomatiques plus ou moins amères ? Est-ce qu’il y aurait eu, en France, dans ces derniers mois, quelque recrudescence d’animosité contre d’anciens adversaires, des emportemens ou des impatiences d’opinion, des préparatifs belliqueux, en un mot, une