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ZOITSA

Dans le courant du mois de mai 1881, je me retrouvais à Athènes pour la seconde fois. Le temps de retenir une chambre à l’hôtel de la Grande-Bretagne, et déjà, entraîné par la nostalgie des souvenirs, je m’orientais sur le Parthénon, obéissant à une attraction tyrannique comme celle du pôle sur la boussole.

Il faisait un temps où, suivant l’adage des pays chauds, on ne rencontre par les rues que des chiens et des Français. L’ardeur du soleil était si dévorante que les couronnes de roses dont les palikares ont coutume d’orner le balcon de leurs fiancées le premier jour de mai se tordaient sur le marbre blanc des façades avec le crépitement de la paille jetée dans un brasier.

Malgré le supplice éloquent de ces pauvres fleurs qui m’avertissaient de redouter une insolation, je m’entêtai à suivre la longue rue d’Éole, en rasant au plus près le bord des maisons, du côté où le soleil laissait courir un étroit ruban d’ombre, comme un refuge pour les déshérités obligés de sortir de chez eux en une pareille journée.

Une fois engagé, un mauvais sentiment d’amour-propre m’empêcha de revenir sur mes pas, car j’avais, tout en marchant, entrevu dans la pénombre des nombreux khani[1] que je rencontrais, les yeux moqueurs de gens, couchés sur des divans, qui fumaient du tabac blond et odoriférant dans leurs narghileh, approchaient tour à

  1. Taverne populaire.