exprimer le relief des objets ou leur substance, de ces rehauts incisifs ou de ces touches pleines et moelleuses dont la souplesse est restée inimitable : opposant surtout l’opacité des couleurs mates à la fluidité des couleurs transparentes, il obtenait ainsi, par le jeu ménagé des dessous, ces colorations étincelantes qui semblent emprisonnées sous l’émail et rivalisent d’éclat avec les pierres précieuses.
L’explication, on le voit, au lieu de dissiper notre étonnement, provoquerait plutôt de nouvelles questions, et il fallait être Van Eyck pour tirer un tel parti de ce procédé. Il fallait, comme lui, au début d’une œuvre, en avoir prévu le terme avec une entière clairvoyance pour s’en rapprocher ainsi, sans hésitation, par cette lente série de modifications successives. Il fallait, avec cet esprit net, posé, sagace, cette pleine possession de soi-même, cette longue patience, cette vigilance minutieuse qui s’exerce sur le matériel même de la peinture et ne croit pas que les soins donnés à la préparation des panneaux, des huiles, des couleurs et des vernis soient mal employés, puisque l’excellence seule de tous ces instrumens de travail peut assurer la bonne exécution de l’œuvre et sa conservation indéfinie. Il fallait enfin ses études sans nombre, portant sur l’universalité des choses et poussées à fond, avec des exigences et des scrupules inouïs, avec une largeur d’esprit plus prodigieuse encore, avec des qualités si diverses, en un mot, que rarement on a pu les voir réunies chez un même homme. Aussi cet art qui, à bien des égards, — nous croyons l’avoir assez montré, — n’était qu’une continuation, semble-t-il un art tout nouveau, ne spontanément et de toutes pièces. Poussé à un tel degré de perfection, il ne laisse plus rien soupçonner de l’humilité de ses origines. Ses limites sont maintenant fixées avec une autorité décisive, et le domaine que Van Eyck lui a conquis est assez étendu et assez riche pour que désormais elles soient respectées.
La supériorité des Van Eyck, déjà si manifeste quand on les compare à leurs devanciers, ne paraît pas moins éclatante lorsqu’on étudie les peintres qui leur ont succédé. Le charme du naturel, la force et la franchise d’expression que nous avons admirée chez les deux frères, nous ne les rencontrerons plus, du moins à ce degré, dans la période suivante. Du premier coup, ils avaient atteint la perfection et manifesté dans tous les sens leur originalité. Il ne restait plus à ceux qui venaient après eux d’autre ressource que