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Welen. Nous voyons alors surgir un nouveau personnage, une certaine comtesse de Paar, qui se mêle activement à l’intrigue : son mobile est différent ; elle déteste le ménage Kaunitz et le comte Strattmann, qui partage avec Kaunitz la faveur de l’empereur ; elle est liée d’intérêts avec les ministres, qui, dans le sein même du conseil aulique, sont les rivaux de ces deux hommes d’état[1]. De plus, elle est ruinée, obligée de se créer des ressources pour soutenir son train de dépense, livrée aux inspirations mauvaises d’une situation embarrassée. Elle arrive à Munich, où elle est sûre d’être bien reçue : l’électeur a pour elle une déférence qui date sans doute de ses jeunes années; il écoute volontiers ses conseils. Elle propose ses bons offices pour marier Mlle de Welen et l’amener à Munich ; elle s’abouche avec Fürstenberg et avec Villars. Celui-ci propose au roi de l’acheter : le roi, tout en avouant « qu’il n’est pas persuadé qu’elle veuille et puisse lui rendre de grands services, » autorise Villars à lui offrir « une gratification de 4,000 livres par an payables par quartier tant qu’elle donnera de bons avis. » La dame croit plus habile de décliner cette offre comme « n’ayant encore pu rendre aucun service qui méritât rien » et de dire que « quand le roi aurait trouvé qu’elle avait fait son devoir, elle ne refuserait pas un présent. » En attendant, pour commencer à se créer des titres au « présent » du roi, elle agissait sur l’esprit mobile de l’électeur et, tout en négociant avec lui et pour lui la délicate affaire du prétendu mariage, elle l’indisposait contre Kaunitz.

Quand Leydel revint de Vienne avec le traité arraché à Kaunitz, Max-Emmanuel refusa de le ratifier, sous prétexte que la question des quartiers d’hiver et de la subsistance de ses troupes n’avait pas été réglée conformément à ses instructions.

Quelques jours à peine après ce refus, arrivèrent à Munich les envoyés du grand-duc de Toscane chargés de négocier et de conclure le contrat du mariage convenu entre la princesse Yolande et le fils du grand-duc. C’étaient l’auditeur Finetti et un capucin, le révérend père Benfati, homme avisé et actif, qui avait la haute main dans l’affaire. Les commissaires bavarois chargés de traiter avec eux étaient acquis à l’Autriche et soulevèrent des difficultés de détail ou des questions de forme qui faillirent tout faire échouer. Ce fut Villars qui brusqua la solution : sa qualité d’hôte de l’électeur, sans caractère officiel et sans responsabilité apparente, lui donnait des facilités exceptionnelles; il pouvait tout faire et tout dire aussi longtemps qu’il conserverait la faveur du prince et serait

  1. « Villars au roi, 12 mai. — Croit que M. de Lorraine veut se débarrasser de la présence gênante de l’électeur à l’armée et est d’accord avec les ministres qui inspirent la comtesse Paar. »