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expliquait ses relations avec l’Autriche par son goût pour la guerre : il veut commander de grandes armées ; c’est pour s’y préparer qu’il combat le Turc avec les Impériaux; il veut devenir digne des plus grands commandemens ailleurs même que dans l’empire, dit-il, d’un ton qui indique que sa suprême ambition serait de se trouver à la tête d’une armée française. Villars encourage ces espérances, il fait briller aux yeux du prince, avide de gloire et de plaisirs, non-seulement les perspectives militaires, mais les fêtes de Versailles; il exploite l’attraction fascinatrice qu’exerce ce nom, synonyme de toutes les séductions de la vie intellectuelle et de toutes les élégances de la vie mondaine. Non content d’agir sur l’esprit du prince, il se crée des intelligences dans son entourage, se liant avec ses familiers, entrant en relations avec ses fonctionnaires influons. Son entourage immédiat, « les Savoyards, » sont assez faciles à convaincre : ils avouent à Villars que « le séjour de Munich leur est insupportable et qu’ils s’ennuient parfois à la mort. » Ils voudraient voir Versailles, et ils s’accommoderaient d’une politique qui leur faciliterait le voyage de France. C’est le comte de Monastérol, que nous retrouverons plus tard à Paris comme envoyé de l’électeur, esprit éclairé et de bonne foi, mais que la passion du jeu devait perdre ; ce sont les frères Simeoni qui, eux aussi, auront des missions diplomatiques; Saint-Maurice, Sanfré, Ribera, Gabrielli, Santini, Locatelli, qui commandent des compagnies ou des régimens en attendant mieux. Quant aux fonctionnaires allemands, ils sont tous plus ou moins acquis à l’Autriche : ce sont les ministres Berkheim et Leydel, « tous deux, je crois, écrit Villars, pensionnaires de la cour de Vienne, » le directeur de la chancellerie de guerre Mayr, que ses fonctions apellent souvent en Autriche ; les secrétaires intimes du prince, Reichardt et Malknecht, le premier, que nous retrouverons chargé des missions secrètes et suspectes ; le second, esprit mordant et caractère douteux, qui gouvernera les Pays-Bas au nom de l’électeur, et administrera, plus tard, les finances bavaroises sans oublier les siennes. Le seul qui ait des sympathies françaises positives est le chancelier Gaspard Schmidt, esprit honnête et prudent, héritier des sages traditions du règne précédent. C’est lui qui, comme négociateur de Ferdinand-Marie, avait conclu et signé, avec Robert de Gravel, envoyé du roi de France, le traité secret de 1670, en vertu duquel des arrangemens étaient pris, non-seulement pour assurer le règlement équitable de la succession d’Espagne, mais pour poursuivre en commun l’élection de Louis XIV comme empereur, et celle de l’électeur de Bavière comme roi des Romains, Il était resté dans les mêmes sentimens et le montrait à Villars. Mais son influence avait beaucoup baissé : il avait, aux yeux de Max-Emmanuel,