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dire dans ces manifestes se réduit en fin de compte à cette alternative. M. le président du conseil, dans son dernier discours d’hier, faisait un appel assez mélancolique « à ce qui reste de conciliation possible entre républicains ; » mais cette conciliation ou cette concentration, comme on l’appelait il y a quelques semaines, sur quel terrain et à quel prix se ferait-elle ? Dût-elle se réaliser dans quelques départemens pour faire face à ce qu’on appelle la réaction, à quoi aboutirait-elle ? Si l’on n’a rien de mieux à offrir au pays que la continuation de la politique de ces derniers temps, il n’y a point à s’y tromper, c’est pour la république une crise peut-être décisive, — et ce sont les républicains qui l’auront préparée.

Ce n’est pas la France seule, à la vérité, qui a aujourd’hui des difficultés de politique extérieure et intérieure, des pouvoirs dans l’embarras et une crise d’élections en perspective. Le nouveau ministère qui a pris, il y a quelques semaines, la direction des affaires de l’Angleterre et qui ne peut conduire ces affaires qu’à la condition de ne pas rencontrer trop d’obstacles soit dans sa diplomatie, soit dans le parlement, ce ministère fait, assurément, ce qu’il peut ; mais il a la vie laborieuse avec toutes ces questions que le ministère libéral lui a léguées en Afrique, en Asie ou en Europe, avec l’Irlande, qui est le tourment de tous les cabinets, avec une majorité qui ne lui appartient pas, qui, à tout instant, peut lui échapper et se tourner contre lui, comme c’est déjà arrivé. Le ministère tory s’étudie de son mieux à défendre sa position, à se créer un terrain où il puisse rallier l’opinion et il ne réussit pas toujours.

L’Égypte est peut-être, pour le moment, le point où il a le moins de complications à craindre, et les affaires égyptiennes, il faut l’avouer, pourraient être simplifiées dans une certaine mesure si la nouvelle de la mort du mahdi, répandue depuis quelques jours en Europe, était une réalité. Ce serait un ennemi de moins dans le Soudan, une difficulté de moins pour le rétablissement de la paix en Égypte. La question des rapports de l’Angleterre avec la Russie au sujet de l’Afghanistan reste toujours évidemment pour le ministère de lord Salisbury la plus grosse affaire, la plus sérieuse préoccupation ; elle tient toujours l’opinion dans une sorte d’attente inquiète, et peu s’en est fallu même en vérité que les Anglais ne se crussent, il y a quelques jours comme il y a deux mois, à la veille de la guerre, tant l’émotion a été vive à Londres. Ce n’était fort heureusement aujourd’hui, comme il y a deux mois, qu’une panique qu’aucune circonstance nouvelle n’avait justifiée. La diplomatie n’avait pas dit son dernier mot ; les Russes n’avaient pas sournoisement fait marcher leurs troupes sur Hérat. Entre Londres et Saint-Pétersbourg, il n’y avait ni rupture, ni recrudescence d’animosité, et il est assez peu vraisemblable que le conflit éclate au sujet de cette vallée et de ces pas-