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personne. L’ennemi exécuta deux attaques simultanées. Sacken fit une énergique démonstration sur Lizy que défendait Mortier, tandis que Kleist, par la rive droite de l’Ourcq, et Kapzewitch, par la rive gauche, tentaient d’enlever les positions de Marmont à May et à Crouy. Prussiens et Russes furent également bien reçus, d’autant mieux reçus que, pendant la nuit, il était arrivé de Paris aux deux maréchaux 7 à 8,000 hommes de troupes fraîches, dont la 3e division de la jeune garde, qui comptait plus de 5,000 fusils.

Blücher voulait renouveler l’attaque le lendemain, mais dans la nuit du 1er au 2 mars, il apprit, par les coureurs du général Korff, des nouvelles qui le forcèrent à changer complètement ses combinaisons stratégiques. Il devait renoncer à l’offensive et battre en retraite au plus vite. Napoléon, à la tête d’un nombre d’hommes que le feld-maréchal ne pouvait évaluer au juste, mais qu’il était porté, comme tous les généraux alliés, à exagérer, marchait sur lui à grandes journées. Averti le 25 février, par une lettre de Marmont, du mouvement des Prussiens sur Paris, l’empereur avait ce jour-là même mis ses troupes en marche. Le 27, il avait quitté Troyes avec sa garde; le 1er mars il était à Jouarre et, le 2, dans la matinée, il arrivait à La Ferté-sous-Jouarre, au bord de la Marne. L’armée impériale comptait environ 35,000 combattans. L’empereur avait avec lui Victor et les divisions de la jeune garde Charpentier et Boyer ; Ney et les divisions de la jeune garde Meunier et Curial et une brigade d’Espagne; Triant et la vieille garde; Drouot et la réserve d’artillerie avec 100 bouches à feu; la division du duc de Padoue; enfin, 10,000 cavaliers de la garde et des dragons d’Espagne. Si Blücher n’avait eu la prévoyance de faire détruire le pont de La Ferté, Napoléon, dans la journée du 2 mars, fût tombé sur l’armée de Silésie en pleine retraite. « Si j’avais eu un équipage de ponts, écrivait-il ce jour-là au duc de Feltre, j’exterminais Blücher. »

L’empereur ne disait là que la vérité. Lorsqu’il apprit la marche de Napoléon, le feld-maréchal n’eut plus qu’une idée, celle de se dérober au plus vite à l’étreinte menaçante de l’armée impériale. Il s’en explique sans réticences dans l’ordre général daté de Fulaines, le 2 mars :


... Comme l’empereur Napoléon, venant d’Arcis, a passé le 28 février à Sèzanne et qu’on ignore s’il traversera la Marne à Meaux, à la Ferté-sous-Jouarre ou à Château-Thierry ; comme en ces circonstances, notre jonction avec les généraux Bulow et Winzingerode devient de la plus haute importance, marcheront : le corps d’York, par la Ferté-Milon et Ancienville sur Oulchy, où il prendra position derrière l’Ourcq, son front vers Château-Thierry; le corps de Sacken, sur Ancienville; le