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mouvement à Napoléon par un grand rideau de cavalerie et marchent droit sur Paris.

Le passage de la seconde à la troisième période est marqué par la date du 3 mars 1814, jour de la capitulation de Soissons. La reddition de cette place n’est-elle qu’un simple incident; est-ce au contraire un événement capital ? Doit-on croire, avec les apologistes de Blücher, que la prise de Soissons fut sans effet sur la marche des opérations? Faut-il admettre, avec Joseph, avec Marmont, avec Thiers, que si Soissons avait résisté vingt-quatre heures de plus, l’issue de la campagne aurait été changée?


I.

Les opérations militaires, dont le résultat fut modifié peut-être par la capitulation de Soissons, le 3 mars 1814, et qui aboutirent aux batailles de Craonne et de Laon, les 7 et 9 mars, commencèrent le 24 février. Ce jour-là, l’armée de Silésie, qui était à Méry-sur-Seine, menaçant le flanc de l’armée impériale, quitta cette position et rétrograda jusqu’à Anglure, où elle franchit l’Aube. C’était le premier mouvement d’une marche sur Paris, soudainement et hardiment conçue par le feld-maréchal Blücher[1].

Après avoir, du 16 au 19 février, reformé à Châlons ses différens corps d’armée, Blücher s’était dirigé vers Troyes, afin d’y renforcer le prince de Schwarzenberg, en pleine retraite. Arrivé le 21 à Méry, le feld-maréchal avait disputé le lendemain, avec succès, le passage de la Seine à l’avant-garde française (Napoléon, qui avait une autre route pour se porter sur Troyes, n’engagea point un combat sérieux). Le 23, comme Blücher se préparait à continuer sa marche parallèlement à celle de l’empereur, il reçut l’avis que les corps d’armée des généraux Winzingerode et Bulow, le premier fort de 30,000 hommes, le second de 17,000 étaient désormais placés sous ses ordres et qu’ils le rejoindraient dans peu de jours ; il fut informé en même temps que toute initiative lui était laissée. L’adjonction des corps de Winzingerode et de Bulow doublait l’effectif de l’armée de Silésie. Blücher conçut un nouveau plan. Au lieu de suivre Napoléon, qui lui-même poursuivait l’armée de Bohême, il marcherait sur Paris. Entre Paris et lui, il n’ignorait pas qu’il y avait le petit corps du maréchal Marmont ; mais cette poignée de Français ne pouvait opposer une résistance efficace

  1. Afin d’éviter, dans la Revue, la multiplication des notes, nous ne citerons nos documens, qui sont principalement des pièces d’archives et des ouvrages allemands et russes, que dans le cas d’absolue nécessité, quand nous aurons à produire quelque fait nouveau ou à traiter quelque question controversée.