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production tomba brusquement de 4 millions 1/2 de kilogrammes à 10,000 kilogrammes. Les impôts directs se percevaient par répartition, c’est-à-dire que chaque village avait à payer une somme fixe, qui était alors répartie entre les habitans par les autorités locales. Nouvelle source d’iniquités ; car les puissans et les riches rejetaient la charge sur les pauvres. Il fallait y ajouter encore la rapacité des percepteurs subalternes, forçant les contribuables à leur payer un tribut arbitraire.

Le gouvernement autrichien n’a pu encore réformer ce détestable système fiscal. Il attend, pour le faire, que le cadastre soit terminé ; mais il a aboli la taxe qui frappait les chrétiens pour l’exemption du service militaire, parce que maintenant tous y sont astreints. L’ordre, l’équité qui président aujourd’hui à la perception ont déjà apporté un grand soulagement. La dîme a cet avantage de proportionner l’impôt à la récolte, mais elle a ce vice capital d’empêcher les améliorations, puisque le cultivateur, qui en fait tous les frais, ne touche qu’une part des bénéfices. En outre, la dîme, payable en argent, se calcule maintenant d’après le prix moyen des denrées dans le district au moment où la récolte va être battue, c’est-à-dire quand tout est plus cher que quand le paysan devra vendre, après la récolte faite. Il vaudrait mieux introduire un impôt foncier, fixé définitivement d’après la productivité du sol.

L’Autriche s’efforce aussi de régler la question agraire. Mais ici les difficultés sont grandes. La première chose à faire est de déterminer exactement les obligations de chaque tenancier à l’égard de son propriétaire. L’administration veut les faire constater dans un document écrit, rédigé par l’autorité locale, en présence de l’aga et du kmet. Mais l’aga se dérobe, parce qu’il compte pouvoir récupérer ses pouvoirs arbitraires, quand les Autrichiens seront expulsés, et le kmet ne veut pas se lier, parce qu’il espère toujours des réductions ultérieures. Cependant des milliers de règlemens de ce genre ont déjà été enregistrés. La fixation de la tretina et de la dîme se fait maintenant à une époque déterminée par l’autorité locale. Kmet et aga sont convoqués et, s’il ne s’accordent pas, des juges adjoints, medschliss, décident. C’est l’administration et non le juge qui jusqu’à présent règle tous les différends agraires. D’après ce que nous apprend M. de Kallay dans son rapport aux Délégations, les impôts rentrent bien (novembre 1883). Les arriérés même sont payés, et il n’y a guère de cas où il faille recourir aux moyens exécutoires. M. de Kallay se félicite de ce que le nombre des différends agraires soit si peu considérable. Ainsi, au mois de septembre de 1883, il n’en existait dans tout le pays que 451, dont 280 ont été réglés par l’intervention de l’administration dans le courant du même mois. Le nombre de ces différends va en diminuant rapidement :